mardi 30 juin 2009

THE MARS VOLTA: OCTAHEDRON


C'est manifeste, et de notoriété publique: il y a, dans l'intelligentsia rock, des snobs. Mais pas n'importe quels snobs: des sursnobs, même. Ces gens-là snobent même les snobs. Oui, vous, inutile de cacher votre beau visage derrière ce tapis de souris hideux, on vous a vu. Bref, reprenons... Ces gens-là sont fiers d'avoir des goûts solides et originaux en affirmant vouer un culte à des groupes suffisamment inconnus du vulgum pour être honnêtes, comme Godspeed You! Black Emperor ou Animal Collective. N'ayant rien de particulier à haïr, ils cherchent désespérément une bête noire pour crédibiliser leurs positions... Le sort désigna le rock prog, bête hideuse et boursouflée, enfant illégitime du psychédélique. Si l'Histoire donna parfois raison à ces fiers Torquemada, elle leur a souvent, via des oeuvres reconnues du Floyd, Hawkwind et tant d'autres, infligé de sévères rotomontades. Jusqu'ici, on pouvait compter sur Omar Rodriguez Lopez et Cedric Bixler Zavala, anciens At The Drive-In, et leur Mars Volta, pour donner, à leur tour, quelques électrochocs à ces bouseux élitistes.

Sur ce récent travail, on attendait la formation au tournant. Il est vrai qu'après leur excellent opere de l'an passé, tout détracteur du collectif désormais porté aux nues était voué à la fermer.
Mais ici, foin d'une de ces ouvertures musclée qui firent le charme des albums précédents. En place de l'habituel mille-feuilles suffisamment opaque pour que déceler les instruments et influences diverses soit presque un jeu, ici, une surprenante soupe acoustique, plate comme la Méditerranée... On attend que le tout décolle, mais lorsque déboulent les lourdes batteries, c'est l'oreille de l'auditeur qui se ferme. On attendait plus. On fait un sit-in. On refuse de bander pour une offensive si facile, conventionnelle, mille lieues derrière les capacités du groupe. La suite semble aller de mal en pis: "Halo Of Nembutals" est comme une ballade Aerosmithienne: violente, larmoyante, et décidément très creuse. Le groupe a même l'audace, eh oui, de pondre une piste easy listening ("With Twilight As My Guide")! Trahison! Que reste-t-il à espérer de la musique, si même les meilleurs dégringolent dans la putasserie nineties?

Heureusement, fidèle à sa réputation, la cavalerire arrive toujours sur la deuxième face, et ressuscite un groupe qu'on avait laissé pour mort sur la première. Le retour aux affaires ("Cotopaxi") est sureprenant et le son tabasse à souhait, que demande le peuple? "Desperate Graves" est une ballade, mais, cette fois, savante, s'il vous plaît. Les explosions et passages fulgurants y sont légion, les multiples couches instrumentales toujours aussi fascinantes. Le rythme déstabilise, il est là pour ça (les fameuses influences latino que beaucoup cherchaient encore). Le chant Zavalien n'est systématiquement qu'un cri synthétisé, mais ne dérange plus, à la longue. Il pourrait simplement finir par lasser... Passons sur l'autre slow niais de la galette, "Copernicus", acoustico-soporifique de bout en bout. La pierre n'est pas à jeter aux arpèges mignons-tout-plein de John Frusciante (oui, le...), mais à une carence d'écriture chronique, qui ne s'accorde pas avec le genre. On ne sait pas quelle mouche (tsé tsé?) a piqué le groupe sur ce titre. A la limite, pour emballer, mais à écouter comme ça, bon... Parce qu'elle ne casse pas trois touches à un moog, à côté de Luciforms, la clôture, odyssée digne du Metatron de l'album précédent. Ballade niaiseuse au départ, muant en combats guitaristiques slashesques, dépouillés, nonobstant, de fanfaronnade à la G3, textes incompréhensibles, succès indéniable.

Une moitié de bonnes chansons? Concept ou pas, c'est insuffisant... Mais un meilleur score que la plupart des productions actuelles. Qui ne sauvera cependant pas la face du prog auprès des intellectuels précités, qui pourront dormir sur leurs deux oreilles en chantonnant "Lift Yr Skinny Fists Like Antennas To Heaven"...

Note: **1/2

Liste des pistes:

1. Since we've been wrong - 7:21
2. Teflon - 5:04
3. Halo of nembutals - 5:31
4. With twilight as my guide - 7:52
5. Cotopaxi - 3:39
6. Desperate graves - 4:57
7. Copernicus - 7:23
8. Luciforms - 8:22

Rien à éviter, mais The Bedlam In Goliath et De-Loused In The Comatorium sont à écouter de toute urgence avant de se jeter à bras ouverts sur les corrects Amputechture ou encore Frances The Mute .

(Prochainement sur http://inside-rock.fr)

samedi 27 juin 2009

PORCUPINE TREE : FEAR OF A BLANK PLANET

C'est bien connu, à la question "Plutôt Beatles ou plutôt Rolling Stones ?" tout mélomane qui se réspecte fera une jolie pirouette et en repondant avec un sourire au coin des levres "plutôt Kinks..." Et puisque les comparaisons entre differents groupes (qui n'ont parfois rien à voir et demeure donc incomparables : The Who vs Velvet Underground, Iggy Pop vs Bowie !) laissons nous prendre au jeu : à la question qui agite les cercles de la musique souterraine peuplés de sympathique geeks "Plutôt Tool ou plutôt Mars Volta ?", on repondra "plutôt Porcupine Tree".

Commençont par une révélation pour ceux qui croyaient le rock progressif mort et enterré à la fin des seventies, le rock progressif n'a pas clamsé : il a hiberné pour mieux muer (comme dans The Thing de Carpenter. Entre geeks on se comprends.) Il y a bien eu deux ou trois blagues durant les années 80 (Marillion, sympathique malgré des nappes de synthés parfois franchement gerbantes...Quand à IQ et Pendragon peu de gens en ont jamais vraiment entendu parler...Pour Kansas et Boston, essayont d'oublier que ça a existé...) mais le vrai retour du prog se fair dans le courant des années 90 avec des groupes tels que Radiohead (sur OK Computer), Archive (même si ce dernier lorgnait plus sur le trip-hop), et Porcupine Tree...

Porcupine Tree est l'oeuvre d'un homme : Steven Wilson qui dés 1991 va proposer une musique d'ambiance. Curieux mélange entre les années Electronic Meditation de Tangerine Dream et les experimentations de Gilmour et Waters sur Wish You Were Here. Le groupe s'impose définitivement comme un classique du genre en 1995 avec le superbe The Sky Move Sideways.

Mais la sortie de In Absentia en 2002 va provoquer un schisme dans la communauté des fans de Porcupine Tree. Ce dernier album incorpore en effet des éléments metalliques que certains fans trouverons mal maitrisés et gratuits. C'est dans cette veine de "metal progressif" que sort en 2007 le neuvième album de l'Arbre à Porc-Epic : Fear Of A Blank Planet. Le titre est il une référence explicite a l'excellent Fear Of A Black Planet du groupe de hip hop américain Public Ennemy ? Le mystère reste entier... Quoiqu'il en soit il définit parfaitement la musique que propose Porcupine Tree : fini les paysages sciences-fictionnesques des années 70, fini les références à Tolkien et les textes poético-mystiques incomprehensibles de Yes et fini les épuisantes reprises de morceaux classiques à la Emerson, Lake & Palmer... Oui, on est toujours dans la science fiction, mais une science fiction pessimiste à la Aldous Huxley qui n'est que le reflet de notre temps. Oui c'est toujours du rock progressif, mais celui-ci est plus inspiré par Red que par In The Court Of The Crimson King... Ici tout n'est que désilusion et déception : l'été est passé, le rock progressif c'est bien amusé. Il est temps de lui donner un caractère plus serieux. Le titre éponyme est une parfaite représentation de cette philosophie qui transparait dans tout l'album : une musique froide, nihiliste, sans espoir. C'est Ian Curtis qui aurais decouvert qu'en plus d'avoir une vie horrible, il est loin d'être le seul à pouvoir se plaindre. Est ce que tout ça tient debout ? Quel sens a un monde où les gamins se droguent et sont vampirisés par des écrans ? Tout cela est il réel ? "How can I be sure I'm here ? /Pills that I've been taking confuse me...". "Fear Of A Blank Planet" est un morceau décapant, un marteau piqueur cérébral dans où Steve Wilson sait parfaitement où, quand et comment décocher les indispensables riffs métalliques on ne peut plus libérateurs, eux aussi froids et remplis d'une violence désesperée. L'incroyable performance de "Fear Of A Blank Planet" se retrouvera dans la pièce maitresse de l'album : un morceau de plus de 17 minutes nommé "Anesthetize" qui joue à la perfection entre les accents métalliques nouvellements acquis, des passages plus pop et des sequences atmosphériques du Porcupine Tree des débuts.
Entretemps la ballade "My Ashes" aura donné le temps à l'auditeur de souffler. Puis on enchaine avec un "Way Out Of Here" qui n'est pas sans rappeler "Sleep Of No Dreaming" présent sur Signify (1996). On note au passage la participation bienvenue de Robert Fripp. Puis c'est le final sur "Sleep Together", ses boucles de synthés à la Neu! (le groupe a déjà repris Hallogallo à l'époque de Signify) et son refrain saturé et oppressant. Le morceau se termine sur ces faux arrangements pour orchestre joués au synthés...On vous l'avait dis : Tout cela est il réel ?

Qu'est ce que le rock progressif en 2009 ? Le genre s'est dilué et se retrouve autant dans l'éléctro qu'au sein de la musique contemporaine et du post-rock. Mais si il faut avoir plus de 30 ans pour connaitre la signification du mot "rock progressif", on peut, sans aucune témerité, affirmer que Porcupine Tree est sur le point de redonner au genre ses lettres de noblesse. Si ce n'est pas déjà fais...

Note : ****

Listes des morceaux :


1. Fear of a Blank Planet
2. My Ashes
3. Anesthetize
4. Sentimental
5. Way Out of Here
6. Sleep Together

Du même artiste

Vous allez aimer :
- Signify
- In Absentia

A éviter :
- Metanoia

mardi 23 juin 2009

EDDIE VEDDER : INTO THE WILD


Qu'on se mette bien d'accord : j'aurais adoré commencer cet article par une phrase qui aurait donné un truc comme "Les bandes originales qui supportent le passage de la pellicule au sillon sont aussi rare que les exemplaires de la première édition de Auf Der Bahn Zu Uranus (Gäa) en Ethiopie du Nord." Mais malgré l'effet qu'aurais eu une telle entrée en matière sur le bof moyen ("woh ! Eh ! L'autre quesk'y cause bien...") je ne peut pas pour la simple raison que c'est totalement faux. Vous voulez une preuve ? En voila bien plus d'une : Phantom Of The Paradise, Aguire, The Virgin Suicides, La Vallée, More...Autant de films dont la bande originale est passé à la prosperité. Bien sur, pour quelques oeuvres signées Popol Vuh ou Pink Floyd les mauvaises musiques de film sont légions. On a tous une copine persuadé d'écouter du classique pas ce qu'elle a acheté la bande originale du Seigneur Des Anneaux et que c'est "juste trop bbeeaauu !!!". La musique du Seigneur Des Anneaux colle effectivement particulierement bien au film, mais je n'écouterais ce truc emphatique à en pleurer les yeux fermés pour rien au monde...

Nous en arrivons donc à notre problème : Into The Wild, signé par Eddie Vedder. On procède en deux temps. Déjà, c'est quoi ce film ? C'est bien simple, Into The Wild c'est un long métrage de Sean Penn tiré d'un livre de Jon Krakauer qui s'était lui même inspiré de l'histoire vrai de Christopher McCandless... En bref, c'est l'histoire d'un mec un peu moins con que la moyenne qui décide de rallier l'Alaska tout seul, en pleine nature (d'où le titre...) C'est trés bien, ça évite les clichés moralisateur "L'homme insignifiant face à l'immensité de la nature...La pollution c'est mal..." et c'est l'occasion de passer une trés bonne soirée avec sa petite amie (a voir avec une fille.)

Maintenant on entame la deuxième partie : "Bordel c'est qui ce Eddie Vedder ?". Allez, reflechissez un peu, moi aussi j'ai été bien surpris mais Eddie Vedder n'est autre que l'ancien chanteur d'un des groupes les plus détestés de Nirvana et de Nicolas Ungemuth : j'ai nommé Pearl Jam (!) Et l'homme sais varier les tons. Into The Wild est un album mélangeant habillement pop et folk Ouverture à la guitare cristalline sur "Setting Forth", et pour ceux qui n'aurait jamais pris le temps d'écouter Pearl Jam, ils ont l'agréable surprise de découvrir une voix travaillé, émouvante, assez proche de l'organe de Neil Young (pas étonnant alors, que le Loner ait travaillé un temps avec Pearl Jam.) L'album contient de belles perles ("No Ceilling", "Long Nights",) portées par un concept usé depuis la nuit du temps mais inépuisable : le format folk/country avec une guitare et une paire de cordes vocales. Mais on y trouve également des compositions moins convaincantes ("Far Behind" et son mur de guitare à la post-punk). Les morceaux depassent rarement les deux minutes trente (on note juste un morceau de plus de sept minute en fin d'album.) Une incursion au synthé un peu timide ("The Wolf" et ses cris tribales. On aime ou pas. Dans le deuxième cas on aurais tort de s'inquiéter face à la longueur de la piste.) Et pour finir, un tube que tout ceux qui on vu le film retiendront : "Hard Sun" est une reprise d'un gentille canadien que personne ne connais (Gordon Peterson).

Tout ça est largement suffisant pour faire un excellent album. Et avec 11 titre on atteind le format parfait. Oui mais la plupart des morceaux dépasse à peine la minute trente (sans compter que le dernier morceau de plus de sept minutes est en fait dominé par une longue plage de silence... En tout : 33 minutes et 8 secondes... Pour un vinyl c'est correct, pour un CD ça l'est moins...Dommage...A une ou deux décennies prés...

Note : ***

Liste des morceaux :

1. Setting Forth
2. No Ceiling
3. Far Behind
4. Rise
5. Long Nights
6. Tuolumne
7. Hard Sun
8. Society
9. The Wolf
10. End Of The Road
11. Guaranteed

Du même artiste

Into The Wild est un des seuls réels albums solo d'Eddie Vedder. Il a à son actif de nombreuses collaborations que je n'ai pas eu le temps de trier, et bien sur, ses années dans Pearl Jam.

dimanche 14 juin 2009

AMON DÜÜL II: YETI


Qu’est-ce que le krautrock ? Au XXIe siècle, le genre est scié, raboté, détourné, moqué, exposé tel un véritable phénomène de foire, un monstre que l’on photographie d’un air moqueur sans vraiment l’écouter (à part Kraftwerk), autour d’un poncif agaçant qui lie le genre à l’easy listening et... Aux claviers. Ca ne rate jamais. Et puis, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour nourrir ce cliché ! Schulze, Tangerine Dream, Neu ! puis Kraftwerk, Faust... Ont tous utilisé les synthés comme base de leur musique. Tous tentaient plus ou moins de faire sortir de leurs instruments des sons inattendus et bizarres afin de faire monter la musique à des hauteurs inespérées, en gros ? Bien. Les Amon Düül II, illuminés, urgents, n’avaient pas grand chose à foutre de tout cela : ils voulaient jouer.


On aperçoit déjà les mômes braillards, glaireux et impatients, suspendus aux lèvres de l’auteur de ces lignes :"Pourquoi un nom aussi bizarre ?" (ou " aussi chelou" selon l’âge desdits glaireux) Patience, mes enfants. Amon-Râ, dieu égyptien que l’on ne présente plus, et Duul, divinité babylonienne de la musique. "Et pourquoi 2" ? J’allais l’expliquer, andouille ! Il était une fois, à la base, un groupe, ou plutôt une communauté, qui s’était réunie pour vivre libre de moeurs et d’opinions politiques dans cette nouvelle génération de la R.F.A. encore sonnée de découvrir tout le sang que ses parents avaient sur les mains. Quelques divergences d’opinion suffirent pour qu’Amon Düül, devenu formation musicale se scinde en deux : le premier, nourri uniquement de succès sporadiques, aura tôt fait de splitter ; le second, celui qui nous intéresse, étonna toute l’Allemagne de l’Ouest avec son line-up interminable et son premier effort, "Phallus Dei", étonnament novateur et sonnant jamais vu de ce côté du rideau de fer (et de l’autre, encore moins, d’ailleurs). Mais c’est avec le Yeti de 1970 que le groupe connut un succès novateur qui le révéla au monde (sic). Pour preuve de l’engouement que le disque, pourtant inhabituel, suscita outre-manche, il suffit de regarder le nombre de jeunes primates chevelus s’appelant "Yeti" entre eux au Royaume-uni... Au XXIème siècle, le beauf moyen nourri aux deux gras mamelons NRJ et MCM, et dont la fermeture d’esprit n’a d’égale que sa rancune vis-à-vis des teutons, estime avoir toutes les bonnes raisons du mondes pour se poser cette question entre deux rots post-bibine-de-supérette : "Pourquoi une telle folie furieuse pour un truc qui vient de Bocheland ?" C’est bien simple.

Il suffit d’avoir des oreilles et quelque chose entre les deux pour être pris au dépourvu lors de l’écoute des gênantes premières mesures de l’enchaînement "Soap Shop Rock"... Mais tout cela n’est rien avant l’entrée du chant dérangé et dérangeant (Malgré son accent allemand à couper au cure-dents, il ose chanter dans la langue de Shakespeare !) de Renate Knaup, qui met définitivement le feu au poudres. Le brave homme vire aux aigus dans un vibrato si peu prévisible qu’on sait d’entrée de jeu que, même sans prise préalable de mescaline, on ne sortira pas indemne de cette machine. Il suffit d’écouter le bref "Gulp A Sonata" où le chant démentiel d’une soprane est sollicité, comme pour un opéra infernal. Ensuite, le violon fait son apparition explicite, pour le meilleur, sur "Alarme Anti-Aérienne Couleur Chair" (Les voies du LSD sont impénétrables). Chris Karrer en tire une mélodie garage psychédélique fascinante suivie de soli titanesques.

Et ce "She Came Through The Chimney"... Est-ce le même groupe ? Le guitariste a-t-il changé d’une séance à l’autre ? Un coup d’oeil rapide au line-up sur la pochette dissipera nos doutes et motivera notre étonnement : D’où vient ce son de guitare cristallin à faire baver les Byrds de Mr. Tambourine Man, ou, a posteriori, les Television de Guiding Light ou les La’s ? A la vitesse de l’éclair, une explosion annonce la césure entre deux mondes, et "Archangels Thunderbird", le single évident, débute. Son rythme de batterie ingénieux et son implacable riff solennel sont un énorme coup de pied au cul de quiconque douterait de la légitimité de la deuxième syllabe du mot "Krautrock". Le rapprochement avec une musique plus conventionnelle, anglo-saxonne, semble se poursuivre avec "Cerberus", morceau folk où un tambourin obsessionnel fait des siennes. Fausse alerte, si l’on en juge aux riffs-incantations satanistes de "The Return Of Ruebezahl" et "Eye-Shaking King". Sur le dernier, le chant est totalement démentiel, d’une violence jamais entendue, qui prend bien garde de ne pas franchir la proche limite du parodique. A côté de ce chanteur luciférien, un Ian Curtis est presque rassurant. "Pale Gallery" ne l’est guère plus : un blues. Oui, les allemands savent faire du blues... Aux guitares forcenées, et si obèses qu’elles pourraient faire passer Blue Cheer pour des anorexiques.

Enfin arrive, pour notre plus grand effroi, la série des trois improvisations. La première, qui donne son nom à l’album est une jam progressive, commençant en douceur, pour laquelle tous les MC5 du monde auraient tué père et mère. Peut-on parler de morceau instrumental ? Ce chant d’écorché vif se noue à merveille avec les instruments ; "Yeti Talks To Yogi" est du même acabit, presque aussi fascinante, elle aussi saturée de vrombissantes et jouissives basses assassines. Les deux morceaux sont une purgation absolue et poignante, c’est la croûte terrestre qui se rompt et les derniers survivants qui tentent vainement de fuir. Il est offert à l’auditeur l’immense privilège de contempler la scène du haut de sa nacelle, un rictus baveux reluisant ses lèvres boursouflées à la vue de ses congénères emportés dans la faille. Les deux morceaux sont un plaisir brut, prêt à découper, livré encore frétillant avec le scalpel sur la table d’opération. Il suffit d’écouter "Sandoz In The Rain" pour constater l’étendue des dégâts. Comme si vous arriviez sur une planète dévastée, oui, c’est bien cela : les Amon Düül II chantent la fin du monde. Et ce qui s’est passé après. Hey, et si c’était ça, au fond, le rock choucroute ?

Note: *****

Liste des pistes:

1. Soap Shop Rock : Burning Sister (3:45)
2. Soap Shop Rock : Halluzination Guillotine (3:10)
3. Soap Shop Rock : Gulp a Sonata (0:46)
4. Soap Shop Rock : Flesh-Coloured Anti-Aircraft Alarm (6:04)
5. She Came Through the Chimney (3’56)
6. Archangels Thunderbird (3:33)
7. Cerberus (4:21)
8. The Return Of Ruebezahl (1:41)
9. Eye-Shaking King (5:41)
10. Pale Gallery (2:17)
11. Yeti (18:12)
12. Yeti Talks to Yogi (6:18)
13. Sandoz in the Rain (9:00)

Du même artiste

Vous allez aimer:

-Phallus Dei
-Wolf City
-Carnival In Babylon

A éviter:

-Dance Of The Lemmings
-Viva La Trance
Egalement disponible sur http://inside-rock.fr

dimanche 7 juin 2009

PINK FLOYD : UMMAGUMMA

Certains groupes naissent et survivent uniquement grâce à la volonté d'un seul homme. Les Doors avaient Jim Morisson, le Velvet Underground Lou Reed, les Mothers Zappa, Joy Division Ian Curtis...Mais que se passe t'il lorsque le leader d'un tel groupe quitte celui-ci, meurt, ou devient inapte à jouer ? L.A. Woman est pour beaucoup le dernier album des Doors, mais ces derniers en sortirent deux aprés la mort de Jim Morisson en 1971 : Other Voices et Full Circle.

Pink Floyd était l'oeuvre d'un homme. Syd Barett faisait partie de cette poignée de génie incompris qui on trouvé refuge dans la musique populaire. Dés la sortie de The Piper At The Gates Of Dawn en 1967 Syd Barett ombrageait de son génie les autres musiciens de Pink Floyd. Mais l'oeuvre de Syd Barett fut aussi génial que courte. Son addiction au LSD rendant impossible son entière collaboration au deuxième album du Floyd, A Saucerful Of Secret, le leader des Pink Floyd sombre rapidement dans la folie aprés une breve carrière solo. Syd Barett ne remis jamais les pieds sur terre jusqu'a sa mort le 7 Juillet 2006.
Pour Pink Floyd c'est le cauchemar, A Saucerful Of Secret, sans être mauvais, reste loin derrière A Piper At The Gates Of Dawn et la touche de Syd Barett (même si il a contribué à l'écriture de certains morceaux,) est à peine perceptible. Pink Floyd semble voué à l'oubli.

Le chant du cygne résonne en Octobre 1969. Ummagumma est pourtant ambitieux : un double album composée d'une première partie live et d'une deuxième en studio. Le meilleur moyen de se planter en beauté. Mais contre toute attente Ummagumma sonne plutôt comme la resurection du phoenix.
Le premier disque est, ni plus ni moins, le live le plus terrifiant de tout les temps. Quatre morceaux dont la cohesion donne une ambiance coherente et incroyablement inquietante. La mise en bouche se fait avec l'apocalyptique "Astronomy Domine" écrit par Syd Barett, interprété par son remplaçant David Gilmour. Sur "Careful With That Axe Eugene, ce qui n'était qu'une curiosité amusante en studio devient un véritable cauchemar sonore : Roger Waters hurle jusqu'à donner à sa voix un caractère unhumain. C'est un pandemonium teinté d'humour noir au relan de film d'horreur d'un peu moins de 9 minutes. Le ton redescend sur "Set The Control For The Heart To The Sun", mais il reste toujours aussi dérangeant. Apothéose finale sur "A Saucerful Of Secret", instrumental entre psychédélisme et pure experimentation.

On pourrais craindre le disque studio aprés une telle performance, et redouter une certaine redite (si le live et le studio se ressemble, pourquoi avoir dissocié les deux ?) Mais toute ces appréhensions s'évanouissent sur les premières notes du "Sysyphus" de Rick Wright. Pink Floyd a achevé sa transformation et le superbe papillon qui est sorti du cocon va faire planer les monde entier pour les années à venir. La formation psychédélique a muté et a adopté ce qu'on apellera désormais le rock progressif en renouant avec des racines classiques et experimentales. Chaque piste est l'expression personnel d'un seul membre du groupe. Loin d'obtenir un resultat où chacun fais ces experimentations dans son coin, les differentes "suites" (on vous a dis que c'était du rock progressif...) permettent à chacun des musiciens de s'affirmer comme créateur à part entière. On a le folk reposé de Roger Waters avec "Grantchester Meadows", une demonstration de force de David Gilmour sur le planant "The Narrow Way". Quand à Sysyphus de Rick Wright et "The Grand Vizier's Garden Party", ils ne sont pas sans rapeller les meilleurs moments du groupe germainque d'Amon Düül II. Ajoutez "Several Species of Small Furry Animals Gathered Together in a Cave and Grooving with a Pict" (à classer dans la catégorie noms à rallonge avec le "I was Dreaming I was Awake and then I Woke Up and Found Myself Asleep" de Klaus Schulze",) un morceau completement experimental où Roger Waters fais ses premières decouvertes des manipulations de pistes (il y aurais même un message subliminal : en ralentissant le morceau on pourrais entendre à 4 minutes 32 secondes David Gilmour prononçant "That was pretty avant-garde, wasn't it ?".) et vous obtenez un album sans aucune fausse note. Ummagumma fut, à juste titre, un succés commercial et reçu en France le prix de l'Académie Charles Cros.

Malgré cette véritable performance, le groupe avouera être déçu du résultat. Roger Waters ira même jusqu'à lancer : "Ummagumma ? What a disaster !" Comme quoi les artistes ne sont pas toujours les meilleurs juges de leurs oeuvres...
Ummagumma reste néemoins le disque le moins accessible de Pink Floyd (l'album studio est particulierement experimental.) Il peut donc rebuter l'auditeur dont les references sont des disques antérieurs tel que The Dark Side Of The Moon ou encore Wish You Were Here.

Note : ****

Liste des morceaux :


1. "Sysyphus" (Richard Wright) – 13:26
Part I – 1:08
Part II – 3:30
Part III – 1:49
Part IV – 6:59

2. "Grantchester Meadows" (Roger Waters) – 7:26

3. "Several Species of Small Furry Animals Gathered Together in a Cave and Grooving with a Pict" (Roger Waters) – 4:59

4. "The Narrow Way" (David Gilmour) – 12:17
Part I – 3:27
Part II – 2:53
Part III – 5:57

5. "The Grand Vizier's Garden Party" (Nick Mason) – 8:44
Entrance – 1:00
Entertainment – 7:06
Exit – 0:38




Du même artiste :

Vous allez aimer :
- The Piper At The Gates Of Dawn
- The Dark Side Of The Moon
- Wish You Were Here
- Meddle

A éviter :
- Pulse
- A Momentary Lapse Of Reason
- The Division Bell