mercredi 30 décembre 2009

TIME OF ORCHIDS : NAMESAKE CAUTION


Nul besoin d'être mélomane averti pour constater que le mélange DIY/Internet aura été majoritairement, tout au long de cette nouvelle décennie, une abominable catastrophe. Jusque là, les milliers de formations rêveuses mais malheureusement dénuée d'une once de talent qui peuplaient la quasi totalité de la terre ne faisaient que balbutier gentiment des ersatz de leur idoles en pondant une fois sur mille un morceau correct/bon/génial (Merci Nuggets). Fort heureusement, le monde était jusque là préservé de cette perfide masse qui complotait derrière son dos, du fait du manque de puissance de frappe de ces derniers. Oh bien sur, quelques formations illégitimes ont malencontreusement et malheureusement franchi la frontière de l'anonymat pour se retrouver on ne sait trop comment en plein sur la scène du jour au lendemain, mais mis à part ces quelques incidents, rien de grave à déplorer. Puis, Internet s'est imposé au monde et à la musique sans que personne n'ai rien vu venir (en fait le monde entier de la fin des années 90 peut être comparé à une petite chaumière situé en plein milieu de la jolie plaine de Tunguska le 30 Juin 1908). Quoiqu'il en soit, la brèche était ouverte, le phénomène myspace se chargeant consciencieusement d'achever les survivants, le flot longtemps retenu du DIY s'est abattu sur le monde. Être musicien ne devint alors qu'une formalité. N'importe qui pouvait faire de la musique. Et faute de savoir en jouer, le drapeau de l'avant gardisme et de l'expérimentation ne cesse d'être l'argument le plus fidèle de ce cette déferlante cacophonie. On essayera de ne pas trop s'attarder sur la triste besogne de nombreux sites exhumant chaque jour des centaines de vieilles merdes 70s dont personne n'avait rien à foutre à l'époque, mais qui semble à présent passionner les foules.

Mais cessons de pester contre cette dure réalité et prenons la chose sous un autre angle. Certes, l'avant gardisme est un mouvement casse gueule aux figures de style quasi impossible à maitriser puisque toujours en mouvement et jamais définis. Enfin, sans se donner des air snobs et constater outré que des milliers de morveux tente de piétiner les plates bandes de la musique savante en enregistrant du Steve Reich maison ou du Stockhausen de boite de nuit, on est forcé d'admettre que, si le terme avant gardisme reste à employer avec des pincettes, on trouve sur la toile une poignée de trucs vaguement expérimentaux bons, voire excellents.

Mais j'imagine déjà la tête de centaines, non de dizaines (ne soyont pas trop optimistes quand aux nombres de lecteurs futurs de cet article en puissance) d'érudits outrés par des propos aussi candides. Maintenant il s'agit de se mettre d'accord : l'audace et l'expérimentation musicale populaire ne date pas des années 2000, et on déjà fait leur preuves dans le temps. Les années 90 avaient le duo Trey Spruance/Mike Patton qui entrainé Mr Bungle au sommet de son art en rendant la pop et l'easy listening avant guardistes sur California, les années 80 des milliers de premiers de la classe rebelles eurent l'occasion de s'adonner à un jeu solitaire unique en écoutant Sonic Youth, les années 70 furent le terrain de jeu de l'audacieux, quoique très controversé, rock progressif...
Mais Internet a fait exploser l'audace musicale pour le meilleur, souvent pour le pire. Seulement, ici, nous parleront du premier cas de figure.

Déjà, un groupe qui signe son dernier album sur le label de John Zorn ça calme directement les ardeurs. Puis il suffit de jeter un coup d'œil sur la source d'information la moins fiable de tout les temps pour apprendre que les joyeux lurons de Time Of Orchids font du rock progressif d'avant garde. Une rapide écoute de leur dernier album et voila la formation new-yorkaise diréctement rangé dans le tiroir cérébral étiqueté "Intéressant mais ça va pas plus loin". Sarcast While est un mélange plutôt insipide de jazz, de métal, et de prog flanqué d'un chanteur persuadé d'être un lointain cousin de Patton.

Ça c'était en 2006.

Que s'est il passé en un an ? Intervention divine, possession par le malin ou encore sombre marché passé avec une quelconque divinité antédiluvienne interstellaire sortie tout droit des meilleurs nouvelles de Lovecraft ? Quelle qu'en soit la cause le son des Time Of Orchids en est profondément modifié. De la purge cathartique qu'ont fait subir les Time Of Orchids à leur musique n'en est ressortis que leur amour pour les rythmes alambiqués tout en contretemps, les structures labyrinthiques quasi aléatoires de leur morceaux, les ambiances plus reposés qu'y n'apparaissaient que trop rarement dans Sarcast While.
Mais en plus de s'être débarrassés de tout le poids superflu qui clouais leur dernier album au sol, le groupe s'est payé le luxe de chercher des vrais mélodies ("un ornement" qui manque à beaucoup de formations pseudo-expérimentales). En somme, les Times Of Orchids se sont mis à écrire de vrais chansons.

Enfin, calmons nous les enfants. J'en voie déjà qui se ruent avidement sur un célèbre site de vente par Internet pour commander Namesake Caution (dois je prendre mes lecteurs pour des demeurés en leur précisant que ceci est le nom du dernier opus des Time Of Orchids ?), déjà je peut prédire l'amer déception qui va se lire sur le visage et sur les lèvres de ces derniers. "Quoi ? De vrais mélodies ?! C'est inécoutable !" Patience, patience... Au risque de passer pour un snob des plus énervants il est de mon devoir d'avertir tout lecteur de la position avec laquelle il faut aborder le chef d'œuvre des New-Yorkais : Namesake Caution est un disque riche, profond, et c'est pourquoi celui-ci demande du temps, de l'approfondissement et de la patience. Il s'agit d'apprivoiser la bête. ("Oh ! L'autre ! Z'avez vu comme il se la pète ! Style il a atteint des sphères musicales inaccessible au commun des mortels"). Il faut nuancer la chose : les Time Of Orchids n'aspirent ni à la musique contemporaine, ni au free jazz. Seulement, le creuset à l'intérieur duquel se mélange parfaitement pop, shoegaze, musique déstructurée, rock progressif et Robert Wyatt (c'est un genre à part entière non ?) peut paraitre, à première vue, peu avenant. ("Facile ! Tu fais style c'est le meilleur album de tout les temps mais le jour où les gens on passé assez de temps à écouter tes conneries et ne voient toujours pas la lumière tu te fais tout petit...") On pourrais croire ça, d'un autre côté on se ferais vite chié si toute l'essence d'une œuvre nous sautait au yeux dès la première écoute... Quand on vois le nombre de gens persévérants qui écoutent Magma et Tool...

Mais une fois l'initiation terminée, la musicalité et la richesse de l'œuvre se montre enfin au grand jour. De la montée en puissance musicale de "In Color Captivating" jusqu'à la longue méditation au synthétiseur qui conclut "Entertainment Woe", partout les différents instruments se mélangent, se superposent, se coupent la parole, surprenant l'auditeur à chaque nouveau morceau, créant des mélodies improbables là où on ne les attendaient pas. La musique se tort violemment, faisant jaillir de nouveaux motifs que le groupe prends un malin plaisir à réduire en miette à coup de percussions, de changements de voix inattendues ("Darling Abandon"). Le chanteur s'est enfin décidé à pondre des trucs corrects et joue sans difficulté aux montagnes russes tout au long de l'album, massacrant joyeusement toutes les conventions de tempo et de gammes ("Crib Tinge To Callow"). Si les grosses guitares metal n'ont pas totalement disparues (celles-ci viennent de temps à autre appuyer le chant et les percussions ("The Gem") on est tout de même bien loin du bordel insipide de Sarcast While.

Après tout ça, si certains trouvent Namesake Caution chiant on leur répondra : Third, Zeit, Low, In The Court Of The Crimson King, Aenima, Déja Vu, Odessey And Oracle, Rock Bottom, Loveless. Autant d'albums "chiants", autant de chefs d'œuvre.

Note : *****

Liste des morceaux :

1. In Color Captivating
2. Windswept Spectacle
3. Darling Abandon
4. Parade Of Seasons
5. The Only Thing
6. Gem
7. Crib Tinge To Callow
8. Meant (Hush-Hush)
9. We Speak In Shards
10. Entertainment Woes

Du même artiste :

Rien de bien spéciale à écouter.

mercredi 23 décembre 2009

GONG : SHAMAL


GONG : SHAMAL

Ah! Les années 1970! On ne l'aura jamais assez répété, mais il s’agit vraiment une période de félicité musicale. Un grand nombre de groupes - parfois un peu bizarres, mais passons... - y ont trouvé leur meilleure inspiration, et Gong ne fait pas exception à la règle. Les fameux présentateurs de la radio gnomique - amateurs de camemberts un peu spéciaux, aussi... - ont donc tiré en 1975 Shamal. Bon, la pochette laisse un peu à désirer par sa monotonie et son manque d'originalité certain, mais vous savez ce qu'on dit : la boîte fait pas le fromage ! En tout cas, ils ont été flairés par... Nick Mason, batteur de Pink Floyd, qui n'a pas été trop repoussé à l'odeur vu qu'il les a produit. On va s'arrêter là avec les vannes merdiques sur le frometon. Pour le coup, bien que l'image nous montre un désert aride, c'est de la musique pleine de fraîcheur qui vous surprendra dans cet album.

Bon, déjà, dès le début, le tout s'annonçait bizarre... Avec deux percussionnistes aux instruments exotiques et un saxophoniste gongueur dans ses moments perdus (c'est pas comme ça que ça se dit, un joueur de gong ? Tant pis...), il faut s'attendre à tout... Heureusement que le bassiste et le claviériste viennent donner l'illusion d'un groupe normal ! Ah ! Merveilleux fouillis d'instruments divers et variés, mais si clair en même temps ! Impossible de prévoir les notes des secondes suivantes. On peut faie la même réflexion au sujet du rythme. En fait, d'un bout à l'autre du disque, on a l'illusion d'assister à une improvisation en groupe de... De quoi au juste ? on serait tentés de caser Gong dans le jazz, dans la musique contemporaine, dans le rock progressif, psychédélique... En fait, les morceaux traversent tellement de genres musicaux différents qu'il en devient trop ardu de définir précisément la nature de l'album... Sans compter que l'on serait en notre droit le plus légitime de se demander si le saxophoniste est réellement à jeun. Quand il joue de la flûte, tout son jeu est très réglementé, mais dès qu'il entre en possession d'un instrument doré aux formes recourbées, il faut s'attendre à tout ! Et l'on n'ose imaginer son sourire lors de ses séances de gongs...

Sur chacun des six morceaux, tous plus barrés les uns que les autres, de l'album, on tombe sur quelque chose de différent... La créativité des musiciens semble sans limites. Quand Didier Malherbe (le saxophoniste) n'est pas lancé dans un solo endiablé, Patrice Lemoine prend le relai, en se servant de son mini moog à des fins vaporeuses... Il se trouve être aussi l'heureux possesseur d'un orgue, qu'il altère avec son synthétiseur de façon à ce qu'on le pense irrémédiablement atteint par l'acide... Le son exécute alors un vol plané au pays des rêves, probablement en même temps que son créateur. Au fond, Mike Homett est le seul musicien de Gong à jouer normalement... Il est relativement doué au jeu de basse, et nous gratifie de solos qui le mettent en valeur dans le morceau. Sa voix correspond bien au profil du groupe : barrée mais claire. C'est en quelques sortes lui qui rattache la musique à la terre ferme.

Finalement, on peut dire que tous les musiciens ont leur moment de gloire tant dans la musique que dans la composition. Presque chacun est à l'origine d'un morceau (voir liste des morceaux), et ils se sont attelés ensemble à la tâche pour ce qui est de celui qui a donné sont nom à l'album : Shamal. Gong est un groupe sans réelle prétention, qui semble faire de la musique autant pour eux que pour nous. Cherchez donc un album commercial créé par Gong... Je vous souhaite bien du courage ! Cependant, l'on peut remarquer une légère prédominance du saxophoniste/Flûtiste qui, pour notre plus grand plaisir, joue d'interminables solos qui défient toutes les lois de la fatigue... Petite précision : seul Bonbooji, de Malherbe d'ailleurs, correspond bien à l'ambiance annoncée par le désert de la pochette. Un son clair de flûte se superpose doucement sur celui d'un vent violent. Bon, l'effet de magie est dissipé au bout de trente secondes, avec l'arrivée de la basse, mais il aura essayé !

Un très bon album, facile d'écoute et franchement amusant à entendre...

Note : ****

Liste des morceaux :

1. Wingful of Eyes (M. Howlett)

2. Chandra (P. Lemoine)

3. Bombooji (D. Malherbe)

4. Cat in Clark's Shoes (D. Malherbe)

5. Mandrake (P. Moerlen)

6. Shamal (Howlett/Malherbe/Bauer/Moerlen/Lemoine)

Du même groupe, vous aimerez :

- Camembert Electrique.

- Radio Gnome.

mardi 22 décembre 2009

SYSTEM OF A DOWN: HYPNOTIZE


Vous savez d’où venait l’athéisme de Sartre ? Enfin, je vous dis ça, mais vous, roulé dans vos chips et vos lunettes carrées, pour la jouissance de descendre virtuellement un modeste et bénévolent rédacteur, n’aurez d’autre réaction que de pouffer et de me balancer mon étalage de culture à ma gueule de lycéen heureux de se la péter parce qu’il débute la philo et se sent du coup beaucoup plus intelligent, mais, plusieurs fois commençant à devenir sérieusement coutume, je vous méprise. Bref. Sartre écrit qu’un jour, enfant ou adolescent, peu importe, c’est pareil à quelques spots près, se posa des questions métaphysiques. Puis, sorti de cette réflexion, il décida, pour se simplifier la vie, d’être athée. Terminé. Affaire classée. Il n’y pensa plus, jusqu’à un âge plus avancé où il rouvrit finalement le sujet, et se demanda quelles étaient les causes de cet athéisme pavlovien, auquel il n’avait JAMAIS PLUS réfléchi durant toutes ces années... Sans vouloir me comparer au strabyste ("Arrête ces périphrases faciles" ? Plutôt mourir !), je pense que j’ai, moi aussi, trop longtemps inhumé des dossiers, comme celui de System Of A Down. Il était temps que cela cesse.

Mon histoire (conseil : commencez au paragraphe suivant si vous n’en avez rien à foutre) commence un beau jour où, collégien, fier de mes autodidactiques goûts de vieux, je frémissais à la moindre grosse guitare, et il me vint alors l’habitude de mettre dans le même panier l’insupportable pop-punk et le Metal "plutôt violent" des diasporméniens. Et, chose qui ne gâche pas rien, le côté "crétin qui en fait trop" du chant du Tankian, désolé, c’est juste... trop. Je me mis alors, non à les haïr, mais à les mépriser, comme on switche du regard un Rock One dans les étalages du marchand de journaux (pour aller vers les inrocks. Haha, je déconne), comme une banalité, quoi. Puis un jour, mon oreille se plaqua, je ne sais plus par quel miracle, sur Vicinity Of Obscenity.

La vache. On dirait Rage Against The Machine qui joue du Zappa (ou l’inverse). C’est quoi ces textes ? Banana banana banana terracota banana terracota terracota pie... Ces rythmiques démentielles, ces changements de genre/tempo/instruments imprévus, ces accordages de tarés ? Bon, d’accord, je ne m’en suis sans doute pas rendu compte à l’oreille, mais pour avoir étudié a posteriori, je dois avouer que C#G#C#F#A#D#, ça a de la gueule.

L’idée me vint alors de me jeter sur l’Hypnotize dont une telle tuerie était extraite. Dès les mesures qui ouvraient l’inaugurale Attack, un souvenir leur fit écho : un pote m’avait prévenu que Daron Malakian avait "réinventé le riff". C’est bel et bien le cas, le type envoie du riff "reconnaissable-malgré-15-notes-à-la-seconde" (Dreaming), des arpèges "fallait-y-penser" (Hypnotize, Holy Mountains, Soldier Side), du ternaire inquiétant (U-Fig). Semblable à un bouchon de champagne qui saute déboule le premier coup de caisse claire de l’album. Dès lors, c’est... la guerre. Des doubles pédales éjectées à la chaîne laisseront bientôt place à des couplets pop imparables. Qu’est-ce qui se passe ? Oubliés, les riffs errants et autres couplets monocordes de Toxicity ! Voix et backing vocals sont, comme la terre entière, en parfaite harmonie. On citait Zappa, RATM, mais pour une telle science de la mélodie, peu de références nous viennent à l’esprit. Bowie, les Beatles, et un grain de folie orientalisante (d’autres évoqueront des mélodies made in Armenia, je marquerai une distance par rapport à une telle référence, n’ayant absolument jamais entendu de musique arménienne), et le tour est joué.

Si j’avais le temps de redéfinir la notion de pop song, croyez bien que j’occuperais tout de même ce temps à d’autres choses, parce que j’ai quand même d’autres choses à foutre. Ce qu’il faut avant tout dans la tradition d’une pop song, c’est sonner. Et pour cela, phrases musicales collant avec l’ambiance (Pour exemple, on prendra la punchline aux consonnes cahotantes "Just a stupid mother fucker if I die, I die", propulsée au trot sur Stealing Society, comme pour les lignes de Vicinity Of Obscenity, aussi admirablement mélodieuses que vides de sens), voire onomatopées, sont de rigueur. L’album en est parsemé, contents ?

Eh ! Quoi d’autre ? Cette bombinette est, comme tout album pop qui se respecte, un manifeste de joie pure aux profondeurs insondables, et n’est en aucun cas évolutive. On n’y trouvera donc même pas de structures (couplet/refrain/etc tout le long de l’opus) ou de sons "intéressants", pour reprendre l’épithète favorite des musicologues frigides.

Le groupe a en effet compris une chose : seule la mélodie est une fin en soi ! Le punk lobotomisé (Rocket To Russia des Ramones), les murs de grattes bubblegum (l’album bleu de Weezer), l’avant-garde délirante et virtuose (California de Mr. Bungle), le shoegaze (Les Flaming Lips, voire Sonic Youth à l’époque où le souci du songwriting les animait un minimum), et même, par le présent joujou, le Metal technique-speedé-hurlé, ne sont, n’en déplaise aux adorateurs du premier Ramones ou de Disco Volante, que des moyens pour y parvenir, à la mélodie pop ultime, addictive, celle qui marque au fer rouge, qu’elle soit soupe tire-larmes (Lonely Day) ou l’épouvante d’un Hurdy Gurdy Man gris métallisé (Holy Mountains), le tout interprété par un génie de l’actance, chaussant des émotions diverses spéléologisant parfois jusqu’aux tréfonds de la débilité (Kill Rock & Roll) la plus lubrique (She’s Like Heroin) ou braconnant le fantôme d’un Johnny Rotten nauséeux (Tentative) sans jamais se départir d’un inaltérable sérieux et d’une crédibilité époustouflante, rendant l’opus de facture encore meilleure que son complément Mezmerize, déjà pas piqué des hannetons [1]. Quand à moi, je peux à présent dormir sur mes deux oreilles, puisqu’ayant accompli cette confession sincère et viscérale doublée d’une réhabilitation de LA perle rare du néo-metal, agissant donc de telle sorte que la maxime de mon action puisse être érigée en loi universelle.

Note: ****1/2

[1] Proust, tu peux aller te recoucher (de bonne heure de préférence, hahaha)
Liste des pistes:
01. "Attack"
02. "Dreaming"
03. "Kill Rock 'N Roll"
04. "Hypnotize"
05. "Stealing Society"
06. "Tentative"
07. "U-Fig"
08. "Holy Mountains"
09. "Vicinity Of Obscenity"
10. "She's Like Heroin"
11. "Lonely Day"
12. "Soldier Side"
Du même artiste:
La paire d'albums Hypnotize/Mezmerize est la mieux réussie de toute la discographie du groupe, le reste assure le minimum syndical, Toxicity sortant un tout petit peu du lot.

(également disponible sur http://inside-rock.fr/ )

jeudi 17 décembre 2009

DEEP PURPLE : FIREBALL


Il faut croire que 1971 était une période délirante pour nos chers hard rockers... Imaginez des savants fous créant une sphère orangée de magma brûlant. Ensuite, la comète - car il s'agit bien d'une comète - prend vie, réduit en miette son lieu de naissance (l'infortuné Emi Records) et prend son envol dans les confins infinis de l'espace... C'est l'idée générale de Fireball, si l'on prend en compte que la comète en question est composée des têtes des cinq bonhommes qui l'on créé. Notre météorite chevelue (eh oui, ils ont les cheveux longs...) ne représente que trop bien l'album. Une explosion lumineuse de sensations musicales rafraichissantes projetant ses rayons sur tous les morceaux.

Déjà, l'un des grands atouts de Deep Purple est la qualité des musiciens. Il est difficile de créer un titre sans le moindre intérêt avec de telles performances. Chacun a sa part de rôle, ce qui dénote une certaine cohésion appréciable du groupe. Notre moustachu de Jon Lord sait se servir à la perfection d'un clavier (ou d'un double, triple, quadruple clavier selon son humeur...) autant que d'un synthétiseur. Il se charge des spots avec une précision presque maniaque pour obtenir l'effet escompté. Mission inévitablement accomplie, comme il nous le montre avec des formes de sons extraordinaires. De son côté, Ian Paice a depuis bien longtemps prouvé au public son adresse par ses break tant chavirants qu’impressionnants. A présents, les deux gratteurs. Loin d'être une paire d'adorateurs irrattrapables du tapping, chacun exécute ses riffs grâce à leur dextérité peu commune. Enfin, le dernier chevelu. Gillan est un cas, l'un des meilleurs chanteurs tant du rock progressif que du hard rock (ne réduisons pas Deep Purple à cette seconde catégorie...). Sa voix lui obéit à la perfection, et ce contrôle absolu lui permet les plus grandes prouesses, autant dans les graves que dans les aigus.

1971. L'une des années les plus productives du rock progressif. Emerson, Lake and Palmer sortaient Tarkus, image de l'apogée de leur carrière, et les scènes se garnissaient de groupes ne jouant qu'un morceau par concert, déguisés en pirates (ELP), en clochard (Jethro Tull)... La belle époque! Pourtant, de façon assez paradoxale, Deep Purple ont, avec Fireball, construit un incontournable du hard rock plus qu'un album progressif. Il y a certes quelques solos douteux de clavier, mais l'on retient davantage des riffs suffisamment lourds pour nous faire oublier le côté plus vaporeux du morceau. Enchaînés avec une rapidité presque diabolique, ils constituent des morceaux que retiendront les fans par la suite. Bien sûr, il y a des exceptions à cet état de faits. Ainsi "Anyone's Daughter" est une ballade très douce qui repose les organes auditifs (bien esquintés après les trois premiers morceaux), et des expériences sonores intéréssantes bien que franchement étranges sont menées dans "Fools". Après un début saccadé qui n'épargne pas notre rythme cardiaque semble être utilisé une sorte de violon -un instrument à corde frottées en tout cas- accompagné d'orgue Hammond modifié grâce à un synthétiseur, et de percussions à la fois percutantes (eh oui, des percus, quoi...) et frissonnantes (peut-être une paire de maracas...). Bien sûr, il est possible que tout ait été réalisé avec un Moog, mini ou non, étrangement réglé, mais le son de violon semble réel. Si ce problème vous perturbe au point que vous désiriez absolument savoir la vérité, allez donc jouer les groupies et leur demander en personne...

Il est, à mon sens, nécessaire de se rendre compte de la qualité de la composition. Le modèle de riff ressemble furieusement à celui très utilisé par les monstres du hard rock que sont Black Sabbath et Blue Cheer (dont le bassiste, Dick Peterson est mort récemment. Paix à son âme.), ce qui constitue peut-être la clé du succès de l'album. Les cinq chevelus ont traversé la galaxie du hard rock, en passant quand même prendre un verre dans celle du progressif pour donner un album aussi percutant qu'une comète : Fireball. Au lieu de mixer les deux genres pour donner les bouillies musicales que nous aimons tant, ils ont décidé de séparer nettement les deux, sans ambiguïté. Cette façon de faire, inédite pour l'époque, apporte un trais d'originalité incontestable et assurément très appréciable à notre boule de feu. Suffisamment barré pour faire rêver, il vous entraînera dans l'univers flamboyant de Deep Purple.

Note : ****
Liste des morceaux :

1. Fireball.
2. No No No.
3. Demon's Eye.
4. Anyone's Daughter.
5. The Mule.
6. Fools.
7. No One Came.

vendredi 11 décembre 2009

LAIBACH : OPUS DEI


Deux idées chères à la hype. La première c'est une vision légèrement bornée de la musique qui voudrait que le rock soit un phénomène musical dont les frontières borderaient exclusivement les pays anglophones et la France (ah tiens, la France ?) Ceci étant dit, qui pourrait reprocher à la "relève du rock d'aujourd'hui" de s'accrocher à cette idée rassurante d'un mouvement musical aux horizons linguistiques pas plus large que le diaphragme d'un microscope à effet tunnel et aux possibilités musicale aussi enroulées sur elle même que la coquille de n'importe quelle mollusque conscient des dangers du monde extérieurs. Trêve de divagation (vous aurez remarqué, cher lecteur, chère lectrice, la complaisance avec laquelle l'auteur de ce texte maltraite les nouveaux rockers en sucre d'orge enrobé de papier cigarette. Ce sur quoi vous aurez été légitimement scandalisé, avant de bien y réfléchir, et d'en tirer la conclusion qu'au fond ils le mérite bien ces petits cons.) Reprenons. La deuxième entreprise ridiculement prétentieuse et vouée à l'échec du, permettez que je les appelle comme cela, club Doherty, est en ce moment même de vouloir faire entrer un héritage de plus d'un demi siècle (dont ils n'ont d'ailleurs qu'une idée particulièrement brumeuse et faussée) dans une petite case/cage avec ses règles musicales et ses codes comportementaux et vestimentaires relativement strict. D'où la grosse connerie avec laquelle on nous rabâche les oreilles depuis au moins un an : "C'est quoi être Rock en 200X ?) Mais mon pauvre monsieur Manoeuvre, si le mot rock était définissable je ne serais sans doute pas en train d'écrire ce putain d'article. Pas ce que excusez moi du peu mais les slovènes de Laibach ne sont ni anglophones, ni français (la nationalité du groupe s'est cachée quelque part dans cette phrase, saura tu la retrouver ?) ni Rock avec un grand R !

Pas Rock, encore que si ça se trouve c'est le reste du monde qui n'est pas rock. Soyons cool et considérons que la rock attitude n'est qu'une question de degré d'humour. Alors, plutot classe qui se prend la tête ou plutôt ridicule à en vomir ses boyaux de rire le rock ? La réponse on la connaitra jamais et c'est pour ça qu'une grande majorité de groupe ne sauront jamais si ils sont "rock" (bon sang, vivement que cette introduction soit fini, je déteste cette expression) la faute à trop pencher pour un des deux extrêmes alors que Laibach, eux, sont les deux à la fois.

Mais n'allez pas croire que Laibach se trouve au milieu, sorte de compromis timide à un dilemme bien trop cornélien pour être rock (en revanche ça c'est sur). Non. Laibach c'est les deux extrêmes à la fois. Intimidants quand les slovènes montent sur scène en tenues militaires, dérangeants quand on connait les rumeurs qui courent sur leur sympathie supposée pour le néo-nazisme, inquiétant quand exhibant ostensiblement cet ignoble croix symbole si ambigüe que les imbéciles de Rammstein reprendront sans trop y réfléchir, enfin, sérieux quand ces même qu'on accusent des pires horreurs montent sur scène en arborant le drapeau Israélien pendant la tournée de Volk. Mais aussi hilarants par leurs reprises méconnaissables des squatteurs du hit-parade, ironiques quand ceux-ci répondent avec ambiguïté aux accusations qu'on leur porte, enfin irrésistiblement ridicule quand on entend avec quelle ferveur Milan Fras vomit ses incantations gutturales sur fond de marches martiales.

Incontestablement, tel des masques de théâtre antique, Laibach fusionne Jekyll et Hyde en une seul et même personnalité dont la venue se fait dans un gros fracas de métal grinçant, de bois brisé et de roche pulvérisée. Emmené dans le sillage du courant Indu qui connait alors ses meilleurs années. Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle...En Allemagne, le cadavre putrefié du Krautrock, encore animé par de violents spasmes, se nourrit de l'indu et nous offre les surprenants Einsturzende Neubauten (une évolution de Faust nourri au sein rebondi de Genesis P-Orridge). Laibach émerge de cette nouvelle scène bouillonnante et se montre bien décidé à jeter son pavé dans le limon fertile de l'indu naissant (ce qui, contrairement à toute attente de la part d'une pierre tombant dans une boue riche en sel minéraux, à fait un peu plus que "splotch")

Mais aujourd'hui encore, malgré une discographie impressionnante et un statut de groupe culte bien mérité, Laibach reste encore confidentiel au possible alors que les grosses pointures du métal industriel dont on ne sauvera que Nine Inch Nail s'amuse à massacrer l'héritage de la musique industriel. Même Opus Dei, pourtant chef d'œuvre incontestable et plus bel réussite artistique de la Slovénie (ce qui n'a rien d'un exploit en soit mais mérite d'en prendre note) semble complétement tombé dans l'oubli. Qui sait, Queen aura peut être fait jouer ses relations afin de se venger de "Geburt Einer Nation" reprise ultra militaire de leur "One Vision" où on pensait ne rien pouvoir sauver. Mais que dire de "Leben Heisst Leben" superbe détournement de "Live Is Life", tube FM pour amoureux des crétineries eighties. Ironie cinglante adressée au groupe autrichien auquel Laibach dédie la version anglaise de la reprise sous un nom délicieusement cinglant ("Opus Dei") Indubitablement, si Laibach excelle dans un domaine, c'est bien celui de la reprise saignante. Personne depuis Opus Dei n'a réussi de tels tours de forces. Laibach frappe les tubes FM, les torturent jusqu'à ce que ceux-ci, exsangues, essorés par une poigne de fer, apparaissent sous un nouveau jour et commencent à dévoiler leur réel potentiel. Mais coller l'étiquette tribute band à Laibach serait aussi absurde que cela à pu l'être une vingtaine d'années plus tôt avec les Vanilla Fudge. En plus de s'approprier complétement leurs reprises, les membres de Laibach se trouvent être également incroyablement doués pour la composition. "Leben - Tod" véritable char d'assaut avançant à un rythme de marteau frappé en cadence aux paroles minimalistes talonne de très prés "Amboss" d'Ash Ra Tempel dans la catégorie atomisation de neurones. Deuxième passage à la mitrailleuse embarquée en train sur ce "Trans-National" aux paroles ultra minimalistes, en direction de l'abattoir "How The West Was Won" (toute ressemblance avec le live d'un groupe anglo-saxon un tout petit peu trop gonflé à l'hydrogène est fortuite) qui finit d'arracher les abats pour les funérailles en règle de "Great Seal" qui termine l'album sur un semblant de musicalité et un extrait du fameux discour de Churchill qu'on retrouve au tout début d'un certain Live After Death (de Margaret Tat...Euh...Iron Maiden).

Finalement nous voila convaincu d'une chose, les marches militaires russes, allemandes, ou slovènes, quoi de plus rock ? A ce train là on aimera jusqu'à l'hymne du Front National dans peu de temps.

Aprés tout, si il est chanté par Laibach pourquoi pas...

Note : *****

Liste des morceaux :

1. Leben Heißt Leben
2. Geburt Einer Nation
3. Leben - Tod
4. F.I.A.T.
5. Opus Dei
6. Trans-National
7. How the West Was Won
8. Great Seal

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- Volk

Rien de fondamentalement mauvais.