vendredi 27 août 2010

NAPALM DEATH : SCUM


Le truc était mort-né, d'ailleurs, qui sait si il a réellement vécu. Le premier disque de Napalm Death, enregistré dans des conditions chaotiques devait marquer le coup d'envoi d'un truc complétement insensé, quoique tout ce qu'il y a de plus prévisible. Le tout étant de se remettre dans le contexte.

Deuxième moitié des 80s donc, l'époque avait déjà servi de prétexte à toute sorte d'excès, pour le pire mais aussi pour le meilleur. Le pire, Soft Cell, Frankie Goes to Hollywood, et toute une tripotées de trucs immondes fascinés par les synthés, les paillettes et le fistfucking. Par chance, la new wave semblait s'être calmée quelque peu dés 84. Le meilleur pour la justement nommée no wave, radical, salvatrice, et l'essor de la musique industrielle, où l'amour du bruit blanc, quand tout le reste dégoutait, rendait agréablement dingue.
Puis voila, 1985 passe, le thrash metal explose (Reign in Blood et Master of Puppets sortent tout deux en 1986), le death commence à pointer le bout de son nez (la consécration arrivera finalement en 1989 avec Altars of Madness). La même idée germe dans la tête de milliers de heavy/glam/hair métalleux : "Les mecs ! Si ont joue plus vite et plus fort que les autres groupes ça veut dire qu'on est meilleur non ?"

Voila donc, sorti de la masse de trucs dont tout le monde se torche le cul à présent, le groupe qui a joué plus fort et plus vite que tout les autres. Napalm Death (rien que le nom...) avait tout compris : trop mélodieux le heavy, pas assez radical le thrash, trop lent le death, pour doubler les autres, il suffit d'être plus méchant avec l'auditeur, lui donner moins : moins/pas de musique, moins/pas de mélodie, moins/pas de compos, aucune pause, diviser par deux la durée de l'album, diviser par quatre la durée des morceaux... Voyager léger en somme. La seule chose à ajouter c'est une pédale en plus sur la batterie... Bref, le truc est neuf, sorte de croisement entre le crust-punk (déjà inécoutable), le hardcore et le death metal, le tout évoquant vaguement la musique industrielle. C'est con mais personne n'y avait pensé avant. Le groupe, fondé en 1981, gravite autour du batteur Mick Harris et de ses imposants blast beats (sorte de déflagration de double pédale et de caisse à timbre donnant une forte impression de "Mur du son". Nota Bene : Rien à voir avec Phil Spector) Pour des raisons artistiques évidentes (absence d'intérêt artistique justement), le groupe se voit refuser tout les studios de répétition. C'est dans un hangar à moitié détruit par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale que Napalm Death construit peu à peu son Tornado Grindcore (c'est ainsi que Mick Harris qualifia la musique de Napalm Death lors d'une interview. On a raccourci depuis) à grand coup d'écoutes de Crass, Siege ou encore du groupe de death japonais S.O.B. Des premiers ils garderont l'attitude et les idées anarchiques, aux second ils prendront la frénésie radicale des compos, enfin, ils s'approprieront les vocaux hurlés et incomprehensibles des derniers.

Bon, après quelque démos dont on a sérieusement rien à foutre, l'enregistrement de Scum ("écume" en français, plus probablement un certain statut social qui pourrait se définir par "individu pouilleux et violent en marge de la société." dans le contexte qui nous intéresse) commence en 1986. C'est un bordel innommable : la première face est à peine enregistrée que le groupe part en couille : Nick Bullen part finir ses études et Justin Broadrick s'en va fonder Golflesh. Seul reste Mick Harris, qui loin de se démonter, enregistre la deuxième face de Scum en 1987 avec un tout nouveau line up (Jim Whitely à la basse, Bill Steer à la guitare et Lee Dorrian au chant. Le disque sort en mai 1987, il comporte 28 morceaux pour à peine 33 minutes (ce qui fait une durée moyenne par morceau inférieur à deux minutes...) La première face de Scum dégage une violence assez inédite. C'est là qu'on trouve les morceaux les plus longs du disque (le morceau titre "Scum", "Siege of Power", et "Born On Your Knees"). Cette dernière s'achève avec "You Suffer", pied de nez humouristique de Mick Harris : le morceau le plus court jamais enregistré (1 secondes 316).
Puis tout s'accélère : c'est la deuxième face de Scum qui va donner une vraie définition au grindcore. Le second line up choisi par Harris ne fait pas les choses à moitié : à part un semblant de riff de temps en temps ("Divine Death", "Common Ennemy", "Stigmatized") et un pseudo-solo ("Parasites"), la formule est répété de "Life" à "Dragnet : le blast beat omniprésent derrière un mur de guitare et de vocaux gutturaux : une citadelle quoi... Sur cette face, la moyenne de durée des morceaux dépasse péniblement la minute... Le grindcore était né. La musique elle, avait disparue. Napalm Death avait réussi son coup.

La suite est connue, fasciné par cette nouvelle façon de jouer, John Peel invite Napalm Death à son émission. Et ce qui devait rester une idée isolée devint un mouvement : Extreme Noise Terror, Carcass, Electro Hippies, Unseen Terror... Tous s'engoufre dans la vague grindcore, recopiant allégrement ce premier manifeste. Ce que Napalm Death avait malgré tout réussir à faire, (à savoir faire de la musique sans musique) va devenir une sorte de crédo pour les nouveaux arrivants. Là voila l'erreur : le grindcore n'a jamais été destiné à devenir un genre. Tout comme le thrash ou le death, celui-ci est incapable de tenir la durée. Napalm Death ne s'en rendait alors pas compte (From Enslavement to Obliteration, leur deuxième album, reprendra la même formule...) : , mais Scum était alors un exploit impossible à renouveler. Mick Harris en prendra conscience quelque années plus tard (il quittera le groupe en 1992), et tentera avec succès d'autre expériences comme Scorn ou encore Painkiller avec John Zorn...

Si le premier disque de Napalm Death est loin d'être parfait, il est nécessaire pour comprendre de nombreuses formations actuelles (Fantômas, Nakes City, etc). Scum c'est l'album où le grindcore est né, c'est aussi celui où il est mort.

Note : ***1/2

Liste des morceaux :

1. Multinational Corporations
2. Instinct of Survival
3. The Kill
4. Scum
5. Caught in a Dream
6. Polluted Minds
7. Sacrificed
8. Siege of Power
9. Control
10. Born on Your Knees
11. Human Garbage
12. You Suffer
13. Life?
14. Prison Without Walls
15. Point of No Return
16. Negative Approach
17. Success?
18. Deceiver
19. C.S.
20. Parasites
21. Pseudo Youth
22. Divine Death
23. As the Machine Rolls On
24. Common Enemy
25. Moral Crusade
26. Stigmatized
27. M.A.D.
28. Dragnet