vendredi 7 janvier 2011

THE LEGENDARY PINK DOTS : ANY DAY NOW


De la vague New Wave et du mouvement Industriel sont nés de multiples formations, toutes plus ou moins en rapport. Parmi elles, The Legendary Pink Dots, l'une des figures les plus emblématiques du genre, au même titre que Coil, Current 93 ou encore Psychic TV. Ils sont à l'origine de plus de soixante disques, et c'est en 1987 qu'Any Day Now est enregistré à Amsterdam, le groupe s'étant expatrié d'Angleterre trois années auparavant. Maîtres dans l'usage des sons électroniques, spécialistes de la bidouille, ils demeurent des musiciens, et harmonisent leurs morceaux par une instrumentalisation développée, ce qui les rend accessibles à un large public. Ils ont en particulier un excellent claviériste, Phil Knight, alias "The Silverman", qui contribue fortement à la création de leurs enveloppes sonores. Anecdote amusante, le nom de la formation provient de la présence inexpliquée de taches rosâtres sur les touches de son orgue...

C'est d'ailleurs par un son d'orgue que commence l'album, dans une profondeur teintée d'électronique, car ce dernier s'estompe dans un soubresaut étrange, avant d'être remplacé par une séquence piquante qui violence la tranquillité du début du morceau. C'est l'un des grands atouts du groupe : le rythme est régulièrement formé par des enchaînements de sons percutants mais discrets programmés à cet effet. La structure est bercée par les apparitions plus ou moins éthérées des différents instruments, lourdement modifiés afin de créer un ensemble à la fois étrange et fascinant. Chaque phrase musicale masque un abysse mystérieux, et cette tendance générale s'accentue avec la voix torturée d'Edward Ka-Spel, dit "Le prophète". Car, de même que pour les autres formations du mouvement industriel, The Legendary Pink Dots évoluent dans un environnement malsain, qui reste cependant très expérimental. Ce fait provient sans doute en partie de l'influence de Throbbing Gristle et de leurs pratiques jugées obscènes par leurs contemporains. En l'occurrence, l'on peut ressentir cet univers malsain à travers le mal-être qui se dégage de la violence ou même de la douceur faussement apaisée des compositions. Ainsi, le violon langoureux de "The Gallery" n'efface pas les paroles tortueuses qui plongent au final dans une atmosphère baignée d’insalubrité.

C’est donc un disque à deux visages, avec une façade paisible voire gentillette, mais avec un fond autrement plus complexe et malsain. Outre l’usage régulier d’un violon sinueux, on peut noter des percussions électroniquement conçues qui vont marteler la mélodie de manière presque métallique (mais des boites à rythme plus « traditionnelles » y sont aussi présentes, dans un ensemble quasi-ésotérique). Il s'agit donc d'une musique tournant principalement autour des éléments rythmiques, mais aussi souvent sur les claviers de Phil Knight, ainsi que sur les performances vocales du "prophète". Les titres passent d'une tendance ordonnée à un fonctionnement déstructuré incontrôlable. Ça et là, un accordéon fait son apparition, des rires d'enfants inquiétants surgissent d'on se sait où, les murmures de conversations s'envolent et tout se noie dans une finalité chaotique brutale. Les émotions transmises varient aussi beaucoup. Parfois la musique s'empreint d'une tristesse larmoyante avant de se muer en un sentiment de victoire écrasante... Les cordes du violon y sont pour beaucoup dans les changements d'ambiance, mais le son doucereux qu'il créé est éventré tôt ou tard par le reste de l'instrumentation.

Au vu de ce qui précède, l'on pourrait s'imaginer - à tort - que l'album entier est composé d'une abstraction expérimentale. Cependant, comme il l'a déjà été précisé, il est très abordable, car y sont employés des moyens standards de composition. Sans s'étendre sur le sujet, les mélodies sont inspirées de musiques traditionnelles variées, et les séquences électroniques sont soignées et n'engluent pas le plaisir de l'écoute. En revanche, de nombreux passages sont franchement dérangeants et évoquent un vice indescriptible. La fusion de l'ensemble de ces éléments fait toute la magie et tout l'intérêt du groupe. Ils savent se diversifier à un point appréciable, et possèdent une large capacité d'adaptation selon leurs besoins, voguant d'un genre à l'autre sans renier leur appartenance au mouvement industriel. La violence calme demeure l'une de leurs spécialités les plus surprenantes. A écouter, à réécouter et à faire passer entre toutes les mains.

Note : ****


Liste des morceaux :

1. Casting The Runes
2. A Strychnine Kiss
3. Laguna Beach
4. The Gallery
5. Neon Mariners
6. True Love
7. The Peculiar Fun Fair
8. Waiting For The Cloud
9. Cloud Zero
10. Under Glass
11. The Light In My Little Girl's Eyes
12. The Plasma Twins