lundi 19 avril 2010

CAMEL : MOONMADNESS


Camel. Un groupe chameuleux de rock progressif des années 1970 qui obéit à toutes les lois de ce genre musical : des instruments nébuleux mais pas trop psychédéliques quand même, un lourd penchant pour l'électronique - et donc pour les claviers, synthés et sons sucrés -, la plupart des morceaux font plus de cinq minutes, une structure très carrée de ces pistes qui comprennent de longs intermèdes musicaux... Le tout explique le succès relatif du groupe dans ses heures de gloire, avec notamment la sortie de Moonmadness, en 1976, un immanquable du genre.

La pochette même annonce la couleur de ce qui va venir. Un trait fin à la Roger Dean représente un paysage nébuleux et psychédélique tout en conservant des couleurs calmes, reposantes. Il est vrai que la musique de Camel n'est pas reconnue pour sa violence. La (très) grande majorité de leurs productions sont douces, parfois un peu pompeuses, et l'ensemble permet une détente facile. Car tout est détendu : les notes de clavier, légères et rapides, planent en accompagnement de la guitare et de la basse - tellement altérées par des pédales d'effet qu'on croirait presque entendre d'autres synthés. Même la batterie, instrument généralement assez frappant, semble voleter autour des autres sonorités (ce qui est peut-être du à l'état de lucidité du batteur en question...). Je ne parle même pas du/des chanteur(s) qui paraissent définitivement foutus en l'air par de bonnes doses de LSD, à moins que le micro ait lui aussi été l'objet de modifications, fait guère étonnant dans le milieu du rock progressif. En fait, on pourrait dire que leur musique est à l'image de leur sigle, le... chameau. Ah, non, pardon, le dromadaire : il n'a qu'une seule bosse. Leurs morceaux sont paisibles et, tout comme on a rarement pu observer la charge d'une horde de dromadaires furieux sur un prédateur inattendu, les mélodies de Camel sont très rarement effrénées et il st difficile d'y ressentir la moindre agressivité. De la vraie musique de drogués !

Les mélodies en questions sont gentiment bercées par le guitariste, flûtiste à ses heures perdues, par un orgue Hammond utilisé de façon très douce (ah! Il est loin le Tarkus rageur de Keith Emerson !) et par les voix, très éthérées, comme dit précédemment. Un vrai moment de repos nous est offert par ce groupe à l'aspect et à la musique tranquille, qui coupe toute envie de se mettre au Napalm Death juste après. Vous laisserez-vous tenter ? Ensuite, ils n'ont pas un talent absolument extraordinaire, ou ils ne l'exposent pas, mais les morceaux sont bien maîtrisés d'une façon assez carrée. Il y a cependant beaucoup de liberté prise dans la partie chant, ce qui ajoute au charme de Camel.

Pourquoi un titre tel que "Moonmadness" ? En vérité nos musiciens se plaisent à... l'astrologie. En particulier la lune, dont les deux cratères visibles à l'œil nu sont décrits (musicalement parlant) dans le premier morceau. Quel sujet nébuleux ! (oui, ce n'est pas la première fois que j'utilise cet adjectif, mais il caractérise assez bien Moonmadness, à la fois précis et flou). Quoi qu'il en soit, cet album est rassurant. Après une célébrité assez vite atteinte au début des années 1970, Camel a commencé à sortir des titres commerciaux. Pas spécialement mauvais, mais pas spécialement bons non plus. Il fallait faire de l'argent, et le groupe marchait plutôt bien. Puis ils ont clôt cette suite commerciale en 1975 avec "Music Inspired By The Snow Goose", qui se démarquait légèrement du lot, pour sortir Moonmadness, reconnu comme étant leur meilleur disque. Pas leur plus grand succès, mais leur meilleur disque, ce qui est rafraîchissant à penser.

Un album qui vaut le coup d'œil, donc, et qui se démarque des productions antécédentes de Camel. Une légèreté difficilement imitable et une douceur à toute épreuve caractérisent Moonmadness, et les sons finement produits sauront embarquer votre esprit dans un univers sucré et coloré, plein de cratères, de vaches et de lutins qui gambadent dans une forêt crépusculaire... L'effet standard que donne un album un peu psychédélique, quoi ! Une réussite qui fait honneur au groupe -dont l'aspect évoque une bande de hippies sympas- et qui peut aisément calmer vos oreilles prises à l'assaut de morceaux de Sepultura particulièrement violents (n'écoutez pas la musique trop fort, c'est pas bon pour vos tympans !).

Note : ****

Liste des morceaux :

1. Aristillus (1.56)

2. Song Within A Song (7.13)

3. Chord Change (6.43)

4. Spirite Of The Water (2.06)

5. Another Night (6.55)

6. Air Born (5.02)

7. Lunar Sea (9.07)

dimanche 18 avril 2010

SOFT MACHINE : THIRD


Nul groupe n'est parvenu à mêler aussi bien Jazz, Blues et Rock Progressif que Soft Machine. Il faut aussi dire que les musiciens de ce groupe si spécial ont un niveau exceptionnel, et que l'époque y était particulièrement propice : 1970 a marqué le début des années de gloire du rock progressif, dont les participants désiraient s'émanciper des structures trop basiques du rock "classique". Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Soft Machine, eux, ont très bien compris ce principe de base et ont décider de renouer avec les racines du rock : le blues et le jazz. Ce qui tombe plutôt bien puisqu'ils disposent notamment d'un trombone et d'un saxophone, instruments clefs de ce type de musique, ainsi que d'un batteur hors normes et d'un claviériste pianiste et organiste, qui n'a pas pu s'empêcher de succomber aux joies du mini-moog, très en vogue à l'époque... Trois autres instruments créent une rupture avec ces styles musicaux : un violon et deux flûtes - dont une clarinette - qui permettront de construire un nouveau genre : Soft Machine.


Au commencement était le mini-moog. Des sons expérimentaux émergent des profondeurs infinies du silence, aiguisés par des fonds organiques - joués à l'orgue Hammond, attention, pas des bruit répugnants à la Mike Patton. C'est grinçant, désagréable, aigu, joué en boucle tremblotante... Soudain, le ton monte, environné de sons de violon absolument affreux, et les cuivres s'ajoutent, prennent de l'ampleur, avant de s'emparer littéralement du morceau avec les premiers coups de batterie. L'effet est saisissant, et on retombe dans des mélodies très années 30/50. En fait, pour faire simple, on pourrait dire qu'on passe de Tangerine Dream à Henri Mancinni. Les mélodies jouées par la basse et les cuivres font en effet très série télévisée américaine de ce temps là... Tout devient très écoutable, tout s'enchaîne facilement... Un vrai plaisir, qui va durer une dizaine de minutes... avant de devenir de l'industriel teinté de blues, puis un chant très Jetrho Tullien à la flûte. Cette variété non seulement dans les mélodies, mais dans les sons aussi rendent ce groupe, et cet album en particulier, aussi inlassablement agréable. Le premier morceau est en effet très représentatif de l'ensemble de l'oeuvre globale de Soft Machine, qui a réussi à fortement limiter les mauvaises - ou plutôt moins excellentes - productions.


Certains passages sont probablement composés d'improvisation, mais la parfaite coordination des musiciens qui jouent dans le même esprit musical ne rendent pas la chose gênante. Au contraire, le fait que ce soit réussi donne à l'album une originalité très appréciable. Nos petites oreilles ne sont pas écorchées, n'est-ce pas le principal ? Il faut aussi reconnaître que le groupe semble très détendu, fait perceptible musicalement mais aussi sur l'image que vous pourrez admirer si vous achetez le disque... Ils semblent être en pleine pause thé - ou pinard pour certains... - et sont affalés sur des matelas en délaissant leurs instruments. On remarquera que seul le claviériste se trouve devant son outil de travail - qui en fera saliver plus d'un -, c'est peut être la raison pour laquelle cette bande de joyeux hippies ont décidé de le couper sur la photographie... Un membre du groupe retiendra particulièrement notre attention : Robert Wyatt. Cet homme charmant est à la fois batteur et... chanteur. Vous y arrivez, vous, à chanter en tapant des rythmes ? Lui si. Sans compter que son talent en composition lui vaudra tous les honneurs dans sa carrière solo, qu'il continuera malgré un accident fortuit qui lui a privé de l'usage de ses deux jambes. Ce qui ne va pas lui empêcher de faire de la batterie ! Un battant, donc, qui apporte tout son soutient aux Soft Machine, dont l'année de gloire est 1970, date de la sortie de ce superbe disque. Le seul regret que l'on puisse avoir est qu'il ne contienne que quatre morceaux - de quinze minutes chacun, certes, mais quatre morceaux tout de même...


Le disque retient malgré tout une certaine simplicité, qui le rend si facile d'écoute. Si l'on excepte quelques rares passages expérimentaux, les mélodies sont agréables à entendre, parfois exceptionnelles - on retiendra en particulier le thème de Facelift au saxophone - et toujours bien construites. L'accompagnement est réalisé d'une main de maître, entre les claviers et la basse (électrique, cependant, car Soft Machine est composé d'une bande de traîtres qui ont renié les vertus incontestables des basses acoustiques très onéreuses mais plus complètes d'un point de vue sonore que leurs conjointes électriques), la batterie, dont nous avons déjà fait l'éloge du batteur, et enfin le chant de la voix douce et agréable de Robert Wyatt, qui fera pleurer les plus sensibles tout en nous rappelant au doux souvenir de Rock Bottom... Une perle rare, donc, une merveille qui mérite tous les éloges.


Note : *****


Liste des morceaux :


1. Facelift

2. Slightly All The Time

3. Moon In June

4. Out-Bloody-Rageous


vendredi 16 avril 2010

JOHN ZORN : ASTRONOME


L'on pouvait redouter cette union. D'un côté, John Zorn, célèbre compositeur de jazz expérimental, de l'autre, Mike Patton, chanteur fameux de Faith No More et de Fantomas. Nos deux rigolos se sont donc assemblés pour boucler un disque... astronomique. Le carnage se déroule en trois actes, d'une moyenne de quinze minute chacun, et d'une remarquable violence. A côté, Sepultura fait effet d'un enfant de chœur... Si l'on récapitule, la danse est menée par un chanteur fou - expert en sons buccaux (rappelez-vous... c'est lui qui faisait les "voix" des zombies dans "Je suis une légende"...), un claviériste saxophoniste compositeur non moins cinglé, qui prend le plus grand plaisir à jouer sur des contrastes de violence, et d'autres musiciens, les figurants dans cette affaire, qui paraissent voir ce disque comme un exutoire sans limites... Des réjouissances en perspective !

Des accords brutaux à la gratte, un rythme diablement fou à la batterie en petite intro, et le festival peut commencer... Des aboiements stridents inhumains surgissent des profondeurs, puis l'ensemble soudain se calme. Les percussions reprennent de l'ampleur, et c'est repartit pour un tour ! Les artistes mettent en scène des sons démoniaques, qu'ils soient produit par le Général de Fantomas ou par des synthétiseurs saturés. Les autres instruments passent par tellement de pédales d'effet qu'on en a des difficultés à distinguer leur sonorité d'origine. Mais qu'importe, tout cela est dans l'esprit des musiciens et de la composition bordélique du disque. L'atmosphère s'emplit d'un capharnaüm sonore effrayant, tout droit sortit de l'enfer, ou plutôt des cerveaux étranges de nos deux compères... Mais bon, quiconque connait l'œuvre de chacun des protagonistes peut s'attendre à un tel résultat. Il leur était déjà arrivé de coopérer, mais jusqu'ici leurs productions ressemblaient moins à un cirque infernal que dans Astronome.

C'est d'ailleurs ce que l'on peut leur reprocher pour cet album. Trop d'éléments, et de violence variable de surcroît, nous parviennent en même temps. De plus, il est difficile de comprendre l'intérêt musical de certains bruits de bouches de Mike Patton, qui font plus penser à un extrait de cartoon américain - que vous pourrez admirer sur votre chaîne favorite - qu'à une tonalité volontaire appuyant l'intérêt de l'album. Autant ce n'était absolument pas dérangeant dans le cadre de Mr. Bungle, autant cet élément est plus dur à apprécier dans Astronome. Surtout quand ils entrent en alternance avec des hurlements qui terroriseraient tout chanteur correct de Death Metal. Mais il surprendra toujours un large public par la variété et la qualité générale de ses créations. En tout cas, John Zorn et lui ont du être attirés l'un vers l'autre ainsi que le feraient deux aimants de deux mètres de large...

Mais le plus surprenant est encore à venir (sisi, je vous assure). Figurez-vous que Astronome est construit sur la même base qu'un... opéra ! En effet, on a pu noter la répartition des morceaux en trois actes, et un même caractère émerge des différentes pistes. Ces-dernières sont d'ailleurs clairement teintées d'ésotérisme, voire d'obscurantisme, comme peuvent nous le confirmer les cris de monstres très lovecraftiens effectués par un démon complètement pattoné... Mais il faudra quand même plus d'imagination pour accepter Astronome en tant qu'opéra. Il fallait être gonflé pour qualifié ainsi un tel fouillis musical, à la limite de la musique bruitiste. Heureusement, John Zorn l'est à bloc, et Mike Patton n'a rien à lui envier de ce point de vue... John Zorn donne donc à cet... opéra, faute de mieux, une thématique clairement dantesque avec un univers peuplé de démons et d'autres êtres absurdes ou inimaginables, on l'aura assez répété. Ce qui colle parfaitement avec la saturation névrosée des divers instruments.

Astronome est sortit en 2006, quelques mois à peine la sortie de Moonchild - une autre association entre John Zorn et Mike Patton. Il a donc pu décevoir les fans, après la réussite formidable de Moonchild. Astronome peut donc laisser ses auditeurs sur leur faim, inassouvie après tant d'espoir. De plus, l'espace temporel restreint entre les deux albums peu faire douter du soin apporté par John Zorn à la composition d'Astronome. Peut-être a-t-il laissé une plus grande part à l'improvisation, comptant sur les performances de Mike patton et de l'ex-bassiste de Mr. Bungle, et ce au détriment de l'organisation... Mais ne crachons tout de même pas sur cet album, qui demeure... astronomique.

Note : **1/2

Liste des morceaux :

1. Act One : A Secluded Clearing In The Woods; A Single Bed In A Small Room; The Innermost Chapel Of A Secret Temple (14.34)

2. Act Two : A Mediaeval Laboratory; In The Magic Circle (17.02)

3. Act Three : A Barren Plain At Midnight; An Unnamed Location (12.44)

Du même artiste, vous aimerez :

- Moonchild (2006).

mercredi 14 avril 2010

BAUHAUS : PRESS THE EJECT AND GIVE ME THE TAPE


On aura beau dire, c'est dingue de voir à quel point les années 80 ont été sous-estimés, musicalement compressées aux son des claviers de Orchestral Manoeuvre ou de Soft Cell, visuellement rabaissé à cet affreux culte du kitsch et du glacial. Autant le dire tout de suite, j'ai moi même été (dans ma folle jeunesse) le premier à cracher sur ces années noires. J'entend déjà la foule indignée crier "Comment, les années 80 à jeter ? Mais que faisiez vous de Slayer, Coil, Einsturzende Neubauten, Siouxsie & The Banshee et de Bauhaus ? Que faisiez vous de Bauhaus ?!" Je le sais, j'étais jeune et ignorant, mais aujourd'hui à sonné l'heure de la rédemption !

Voila qui est fait. Ah ! Encore un autre préjugé qu'il serait bon d'éradiquer : la musique gothique n'est pas un genre de défouloir black metal pour frustré des grandes chaines de mode, un truc emo destiné aux jeunes adolescentes décidant de se couper les veines car "la vie n'est qu'un torrent de larmes et qu'une fois descendu aux enfers elles pourront vivre librement leur hymen avec le prince des ténèbres" (son mec vient de la larguer,) ou encore une autre connerie dans le genre, mais un réel courant artistique à l'époque incroyablement snobé par des milliers d'auditeurs qui préféraient les couleurs bien flashy de la New Wave aux photos noir et blanc de Bauhaus.

Ah oui ! C'est à ça que je voulais en venir, Bauhaus (prononcer "Bahohahos"), fer de lance de la coldwave/batcave/post-punk (prononcer gothique) avait pour lui plusieurs avantages auxquels n'ont jamais pu prétendre toute une tripotée de formation mineures ou majeures tel que les Virgin Prunes ou les Sisters Of Mercy. D'abord, ces derniers pratiquaient une musique autrement plus réfléchi et intellectuelle (comment ça l'histoire a prouvé que c'était pas forcement une qualité ?) que les groupes cités plus haut et autre Cramps. Pochette travaillées, références obscures, délires aux synthés ("Paranoia, Paranoia"), et morceaux à l'architecture complexe (désolé, j'ai pas pu m'en empêcher.) Les quatre mecs sortaient d'une école d'art, nan mais faut pas déconner quand même. Puis qu'on aime ou qu'on déteste, Bauhaus se payait une des voix les plus impressionnantes des eighties. Pas loin derrière celui du feu génial John Balance, le timbre de Peter Murphy imprimait à Bauhaus la marque des grands groupes.

Bref, l'ensemble était tel qu'en live ça transcendait le studio. Et surprise ! Comme la vie est bien faite : ce Press The Eject And Give Me The Tape, premier enregistrement live avant l'ultime effort studio de Bauhaus semble tout droit tombé du ciel pour remettre d'un grand coup de pédale disto les hordes de gothiques et emo actuelles dans le droit chemin du déguisement sobre mais avec trop maquillage (mais où ils sont allés chercher cette histoire de chaine et de crucifix...Pfff...Encore un truc à la Christian Death...)
Enfin bon passons. L'ouverture anthologique de la performance aura achevé de convaincre les sceptiques que Bauhaus est tout sauf le rève des maisons de disque : sur fond de guitares dissonante, Peter Murphy torture son timbre Bowinien, le malmène jusqu'à hurler ce refrain énigmatique "I get bored/ I do get bored/ In the flat field !". S'ensuit une reprise aux couplets quasi atonales du "Rosegarden Funeral Of Shores" de John Cale histoire de bien rappeler les influences bruitistes de la formation. Bruitiste c'est le mot, d'ailleurs Bauhaus n'a jamais sonné aussi industriel que sur cet album. C'est simple, le son est d'une brutalité remarquable, tout en fuzz et en distortion. Un véritable hommage à la culture du bruit. Même les tentations pop du groupe disparaissent sous la couche d'oxyde de fer : le riff de basse ringard de "Kick In The Eye" s'oublie peu à peu sous les frappes chirurgicale de Daniel Ash, le très moyen "In Fear Of Fear" est avalé par un saxophone en plein délire et des synthétiseurs atonaux.
Puis il y a ce "Bela Lugosi Is Dead", coup d'envoi de Bauhaus, qui demeurera leur plus beau succés jusqu'à leur séparation en 1983 : neuf minutes trente portés par un riff à moitié effacé, du feedback, des changements de rythme, la voix spectrale de Peter Murphy : "Bela Lugosi's dead/ Undead undead undead", et ces synthétiseurs sépulcraux, hantés diront certains. Après ce monumental pilier de la musique gothique, on permettra à Bauhaus d'être un tout petit chiant dans les débuts de "The Spy In The Cab" ou de se taper un petit délire à la Christian Death au milieu de "Stigmata Martyr" ("In nomine patri/ et fili/ et spiritus sanctus.") Et si il reste des réfractaires la terrifiante ballade "Hollow Hills", largement supérieure à l'originale et le final punk "Dark Entries" achèvera de les convaincre que Bauhaus était un groupe de scène.

Note : ****1/2

Liste des morceaux :

1. In The Flat Field
2. Rose Garden Funeral Of Shore
3. Dancing
4. The Man With X-Ray Eyes
5. Bela Lugosi Is Dead
6. The Spy In The Cab
7. Kick In The Eye
8. In Fear Of Fear
9. Hollow Hills
10. Stigmata Martyr
11. Dark Entries

Du même artiste :

Vous allez aimer :

- The Mask
- In The Flat Field

dimanche 11 avril 2010

MOTÖRHEAD : OVERKILL


Il existe trois façons de se suicider efficacement. 1. Ecouter Metal Machine Music en entier. 2. Se rendre à un concert de Sepultura avec les cheveux courts. 3. Dire en face de Lemy Kilmister qu'il a formé un putain de bon groupe d'heavy metal. Il est vrai que malgré la violence de Motorhead, on n'y retrouve pas l'aspect métallique caractéristique disons, d'Iron Maiden. C'est juste du rock... un chouya plus fort que le reste... Ce qui entraîne des discussions virulentes entre Lemy et les journalistes, qui doivent maneuvrer avec habileté pour rentrer entier chez eux... En tout cas, notre papy indestructible tient toujours la forme... Il y a 30 ans, en 1979, il est venu à bout de l'un de ses meilleurs albums, Overkill. Bon, c'est vrai que le nom est vraiment destroy et que la pochette fait plus que jamais penser à celle d'un groupe de Hard Black Metal (sisi, en cherchant bien ça doit exister...), mais il a réussi un véritable exploit avec celui là : quand on passe d'un morceau à l'autre, on n'a pas la sensation d'assister à un remake du premier et surtout, l'on se rend compte du changement. L'un des gros problèmes de Lemy est en effet la diversification des riffs de basse, de guitare ou de batterie. Il a fait abstraction de cette difficulté avec Overkill...

Bon, mais c'est pas pour ça qu'il faut mettre le son au maximum. Le disque reste quand même un gros album de riffs lourds et de voix gueulantes, donc un peu de pitié pour vos oreilles. L'album commence avec une batterie rageuse, qui prépare le terrain pour le reste, qui suivra avec la même douceur. Motorhead est un trio power, avec un batteur, un guitariste et un bassiste, Lemy Kilmister. Ce-dernier a fondé Motorhead après avoir quitté Hawkwind pour des raisons douteuses. En fait, on peut dire qu'il fait la même chose qu'avant -mais sans les synthés, et en un peu plus violent. On retrouve la même aggressivité instrumentale, et cette fois-ci il n'y a pas de bruits bizarres qui se superposent au morceau. C'est le petit détail qui renverra certains nostalgiques d'Hawkwind vers Jefferson Airplane, pour se droguer au LSD au lieu de se cantonner à la coke, le stimulant de bas étage que prenait ce traître de Lemy. Mais on ne le crie pas trop fort parce qu'il est quand même costaud pour son âge, sous son perfecto...

Après la batterie, donc, s'ajoutent naturellement la basse, la guitare et enfin la voix de camioneur bourré de Kilmister, qui réjouira un paquet de fans aux cheveux longs. Depuis les années 80, on avait la sensation d'écouter toujours le même morceau, avec toutefois des titres de taille ("Ace of Spade", par exemple) mais avec Overkill, on a enfin une impression de renouvellement. La structure des morceaux diffère -détail appréciable- et le plaisir renaît avec les sons toujours plus toniques dégagés par le trio. Ils poussent même juste qu'à faire durer un morceau plus de cinq minutes -Overkill. Mais ils ont pris peur, semble-t-il, pour en revenir à des durées plus standards, dans les deux minutes. Tout est bon pour oublier Hawkwind et sa face progressive vermoulue ! Les "mélodies" - ou plutôt riffs éléphantesques - sont entraînantes à souhait et, bien que la teneur des morceaux reste la même, on apprend pour la première fois à se laisser surprendre par Motorhead. La saturation des instruments n'empêche pas la compréhension des différentes mélodies, ce dont on peut leur être gré. Mais on sent une certaine fatigue dans la voix éraillée du bassiste, qui a, on le sent bien, des difficultés à se rendre dans les très aigus, ce qui, agréable surprise, provoque une relancée extrêmement tonique dans les plus graves. Enfin bon. Il est toujours en vie à l'heure où j'écris, il a sorti un nouvel album et il continue à faire des lives comme s'il avait vingt ans. Et il ne semble toujours pas prêt à casser sa pipe...

Quoi qu'il en soit sur son état de santé, Overkill rafraîchit nos tympans par sa nouveauté inattendue, et demeure assez tonique pour ravir ses fans. Que demander de plus ? Cependant, cet album n'est pas non plus parfait, et il souffre malgré tout d'une certaine répétitivité, bien qu'atténuée ici. Peut être devrait-il définitivement se lancer dans la musique minimaliste répétitive, à l'instar de Steve Reich. Qui sait ce qu'ils pourraient faire ensemble ? Seigneur... Revenons à la réalité. Ce disque restera dans les annales du groupe et il nous montre que les vieux groupes de rock n'ont pas tous traversé un période Kitsh qui aurait déteint le reste de leur carrière.

Note : ****

Liste des morceaux :

01- Overkill
02- Stay Clean
03- (I Won't) Pay Your Price
04- I'll Be Your Sister
05- Capricorn
06- No Class
07- Damage Case
08- Tear Ya Down
09- Metropolis
10- Limb From Limb

mercredi 7 avril 2010

MILES DAVIS : SOMEDAY MY PRINCE WILL COME

Existe-t-il un "Dieu du Jazz" sur Terre ? Si c'est le cas, il s'appelle probablement Miles Davis. Notre trompettiste en possède en effet tous les attributs : un talent de jeu et de composition sans pareil, des accompagnateurs très doués (John Coltrane a même été embauché pour le disque...) et surtout, surtout, une arrogance à toute épreuve. Davis considère son "Oeuvre" avec une (trop) grande fierté. Et le plus agaçant, c'est qu'il a raison. En tout cas, Walt Disney, un personnage aussi fier que célèbre dans l'animation lui a donné de l'inspiration. Tout démarre avec quelques accords au piano sous agréable fond de basse - ou plutôt de contrebasse, les musiciens de l'époque n'ayant pas encore été pervertis par l'apparition de la basse électrique... - et enfin vient la trompette, qui souffle d'un ton nasillard le thème que tous connaissent. D'une façon presque surnaturelle, on croirait entendre une jeune femme chantonner tristement : "Un jour, mon prince viendra ; il me reconnaîtra!" dans une clairière où se promènent en toute impunité sept nains, un dragon et Bambi émergeant de la brume matinale...

L'un des atouts les plus remarquables du disque est le talent incontestable du pianiste. Il manie avec facilité l'improvisation blues, et il retrace ses accords avec une telle légèreté qu'ils en paraissent irréels, rêveurs... Sautant du coq à l'âne en passant d'un jeu triste à un jeu guilleret, Wynton Kelly parvient à émouvoir aisément. Il est le directeur des sensations de ses auditeurs. Le contrebassiste joue sans peine ses gammes de blues avec un rythme... variable. Il donne vraiment le sentiment de jouer au feeling. Ce qu'il fait probablement, ce qui réussit au morceau! Ah! Les joies de l'improvisation blues... Aussi partagées par Jimmy Cobb et Philly Joe Jones, les deux batteurs (ils jouent à des morceaux différents...). Comme on ne le répètera jamais assez, la batterie dans le jazz n'est pas un rôle de branleur. Ils suivent des rythmes que le commun des mortels ne peut pas suivre, et se superposent en tant qu'instrument (et non un simple métronome!) dans le morceau. Il n'est d'ailleurs pas rare d'entendre des solos de batterie dans le jazz, à couper le sifflet à Karl Palmer Vous pourrez admirer, d'ailleurs, les remarquables breaks effectués dans "Blues n°2". Impressionnant. A ce fond sonore à l'aspect bordélique mais en vérité très étudié s'ajoutent enfin les cuivres. On peut dire que ces derniers remplacent, si l'on devait faire une vaine analogie entre le jazz et le rock, les chanteurs. En tout cas, ils suivent le fil d'Ariane déroulé par les autres musiciens pour lâcher une mélodie plus concrète - qui a tendance, cependant, à nous couler entre les oreilles - selon le fond du morceau. Ainsi, Miles Davis, John Coltrane et Hank Mobley produisent des sonorités aigues et légères, ou plus graves et plus profonde afin de parachever le morceau avec la trompette et les deux saxophones. Je ne me lancerais pas dans une inutile description de leur genre précis d'instrument, rendez-vous plutôt à une conférence sur ce sujet s'il vous intéresse.

Le résultat est enchanteur. Entre le fond sonore, un bon fouillis contrôlé, et les cuivres, qui forment l'enveloppe tonale, les morceaux provoquent chez leurs auditeurs connaisseurs des montées émotionnelles fortes, provoquées par les gammes et accords spécifiques ce genre musical à la fois si précis et si profond... La virtuosité n'est pas mise en avant, mais on la remarque à la facilité de jeu des différents musiciens. Chacun profite de son heure de gloire avec les autres, en même temps que les autres, une vraie communion avec la musique réalisée entre ses auteurs et ses auditeurs. Dans l'ensemble, le disque est quand même très langoureux - enfin, faut dire aussi qu'avec un thème de Walt Disney comme titre de disque, on pouvait s'y attendre! - et ponctué de notes à la trompette longuement prolongées. Et on a le droit, en petit bonus, à une prise alternative de "Someday my prince will come" ! On aurait pu s'attendre à une copie conforme du premier morceau du disque, mais cette version s'avère finalement être sensiblement différente - et non moins attractive - que la première. Comparez donc les deux, vous serez étonné(e) de constater le degré de leur différence... (Au niveau émotionnel, surtout!). Et puis, cet album, le livret même peut être une justification pour son achat. Vous pourrez admirer les têtes décidées des batteurs, du pieux bassiste (avec une jolie tête de la Vierge Marie sur sa contrebasse), du pianiste chapoté (selon le stéréotype, après tout, tous les pianistes de jazz portent un chapeau noir, alors pourquoi pas lui ?) des saxophonistes à l'air pensif et enfin Miles Davis avec une clope retombant négligemment sur le coin de la bouche... Je ne compte pas le minois de la pochette comme une musicienne... bien qu'elle joue bien son rôle de Cendrillon - ou Blanche Neige, je ne sais plus... Enfin... Trêve de commentaires oiseux, et passons au jazz!

Note : ****

Du même artiste, vous aimerez :

- A peu près tout de la centaine d'albums de Miles Davis...

Liste des morceaux :

1. Someday My Prince Will Come (9.02)

2. Old Folks (5.14)

3. Pfrancing (8.30)

4. Drad Dog (4.49)

5. Teo (9.33)

6. I Thought About You (4.52)

Bonus Tracks :

7. Blues No. 2 (7.05)

8. Someday My Prince Will Come (Alternate Take) (5.34)