jeudi 10 juin 2010

DOUBLE NELSON : INDOOR


Et voici un album que vous ne trouverez pas chez votre disquaire favori ! Un jour, Kiss s'est attiré l'inimité d'un certain nombre de français par une affirmation trop vraie à leur goût : la France n'aurait rien apporté d'intéressant au rock. Heureusement, quelques fidèles défenseurs de la fondue savoyarde et de notre coq national ont été à l'origine de groupes qui ont pu légèrement réhausser l'idée de la musique dans notre pays. Parmi ces irréductibles comptent Magma, Air ou Noir Désir pour les plus célèbres, mais il ne faudrait pas oublier nos gaulois du milieux underground français, avec Alcoosonic, ou Double Nelson. Bon, d'accord, ce dernier fait de la basse et de la batterie indus qui se plaît à tripatouiller la noise par instants, mais c'est du rock quand même !


Ainsi, Double Nelson est un duo composé d'une jeune femme et d'un homme un peu moins jeune. Les deux passent aisément de la basse à la guitare ou à la batterie, ou marmoner des paroles incompréhensibles dans un micro de qualité moyenne. Sur scène, leur décors de prédilection est constitué de trois murs en aluminium laissant tout juste suffisament d'espace pour les deux musiciens, la batterie, les synthés et les amplis. L'homme porte un couvre-chef étrange recouvert d'alu, et la jeune femme est tout de noir vêtue, dans une athomsphère presque morbide. Ils font un peu peur mais ils se sont finalement révélés très cordiaux après coup, quand ils sont venus boire une bière avec leur public restreint (ça, je vous l'avait dit qu'ils n'étaient pas connus !). Restreint, ai-je dit, mais admiratif, comme il devait l'être à la suite du spectacle musical et visuel offert. Le duo utilise ses outils en optimisant leurs capacités : le mélange à la fois lourd et fin des synthés et de la basse provoque un fond électro voire expérimental très étudié sur lequel se superposent parfaitement la batterie et la voix des musiciens. Le tout renvoie une ambiance très sombre, accentuée par des sons étranges et effrayants créés électroniquement. Qu'ils fassent usage d'un séquenseur ou d'un LFO, ces enchaînements dignes du plus obsur des films de science fiction renforcent très appréciablement les marmonements démoniaques de la terrifiante demoiselle dans son micro... Dans le même temps, elle joue de la grosse guitare avec que quatre cordes avec des riffs lourds, profonds dont la mélodie ajoute au chaos sonore déjà présent.


Une musique incontestablement impressionante, pas toujours très complexe mais qui emmène inévitablement et immédatement ses quelques auditeurs (très fidèles, si j'en juge par les cris affectueux ressortant du public et le nombre de t-shirt du groupe...) dans une abysse électro comme industrielle, avec des influences furieusement punk - dans le bon sens, cela va sans dire. Parmi elles, des morceaux très courts mais intenses compensés par leur nombre. Le groupe ne recule devant aucune astuce originale, n'hésitant pas à maltraiter de malheureuses cymbales plaquées à même le sol, en presque aussi piteux état que la batterie, qui ne tient debout que par, semble-t-il, quelque volonté divine bienveillante amatrice d'indus... Les musiciens sont parfaitement synchronisés - il vaut mieux d'ailleurs, pour un ensemble rythmique basse/batterie - et aucun son n'est laissé au hasard, comme c'est parfois le cas dans certains titres de noise. Cependant, dans quelques morceaux, des notes sont enchaînées aléatoirement - façon R2D2, si vous voulez avoir une idée - ce qui ajoute une nappe de mystère épaisse à une musique déjà très spéciale...


Il y a un aspect finalement reptilien à ce duo obscur. Cette nouvelle facette est portée par les riffs de basse, voire ses soli, tandis que les percussions renvoient à une messe noire digne des adorateurs égyptiens de Nyarlathotep. On ne serait pas étonné que le batteur, à l'instar de celui de Tool, s'inspire du Nécronomicon dans les créations rythmiques... Il manquerait peut être un clavier à leur musique mais ce manque est pour l'instant compensé par une utilisation massive de la technologie électronique musicale de notre belle époque. Double Nelson met en avant un côté souvent oublié aujourdhui : l'importance de la basse dans un groupe qui, en plus de maintenir un rythme précis, participe de façon déterminante à l'élaboration de la mélodie, sans devenir pompeuse -lourde tout au plus. On oublie trop souvent les vertues de ces musiciens de l'ombre, mais certains ensembles tels que celui de Double Nelson rendent justice à un instrument presque indispensable dans toute formation musicale. Un bon disque, donc, et un très bon moment à passer à l'occasion de leurs concerts...



Note : ****


Liste des morceaux :


1. Chouèches (2.51)

2. Refrozen (3.13)

3. Report (2.05)

4. Kra Kra Toa (2.51)

5. Festino (3.32)

6. Wow Come On (2.00)

7. Jour J (2.20)

8. Dom Tom (2.09)

9. Ready Made (3.09)

10. Pécé Blues (2.35)

11. Klendatu Beach (1.27)

12. Country Stress (2.54)

13. ... (1.52)

14. Le Beau (2.20)

15. Draivessi (4.11)