dimanche 18 juillet 2010

A PLACE TO BURY STRANGERS : EXPLODING HEAD


Feedback dans ta gueule. Ouais ça aurait pu être ça le slogan des A Place to Bury Strangers à l'aube de leur second album. Il s'agit d'avoir un peu de mémoire. En 2007 le trio avait sorti un truc aussi imposant que bruitiste et s'était taillé une réputation dans l'underground East Cost. "Le groupe qui joue le plus fort de New York" qu'on les appelait. Difficile de dire le contraire en réalité. Le trio se revendiquait petit fils tapageur d'une famille englobant aussi bien les insipides Guided By Voice que les géniaux Six Organs of Admitance en passant par Ride, My Bloody Valentine, ou encore The Pain of Being Pure At Heart. Vaste programme donc, de la pop onirique au déluge blanc dronesque en quelque sorte, voire un peu entre les deux, histoire de faire des "bruits mélodieux" ou des "mélodies bruitistes", ensuite c'est une histoire de verre à moitié plein ou à moitié vide... Bref, à chacun sa vision du Shoegaze pourvu que les globes oculaires soient rivés sur les pieds. Pour le trio New-Yorkais, le terme prenais d'entrée de jeu des accents assez sidérurgiques. Le premier A Place to Bury Stranger allais plutôt chercher du côté des Spacemen 3, l'énergie et les chansons en plus. Le résultat fut un tel condensé de bruits désagréables à l'oreille du pékin moyen que le webzine Pitchfork lui accorda la note honorifique de 8,4/10 (sache cher lecteur, que les chroniqueurs du dit journal se sont vus attribuer par de puissantes divinités le pouvoir de donner des notes à virgule aux disques, que celles-ci ne dépassent 8,0 que lors de circonstances exceptionnelles (alignement de Mars et de Jupiter sous une lune rousse, etc.) et que dans leur extra lucidité surnaturelles, ces derniers ont décidés que The Ape of Naple de Coil valait 7,9/10.)

La messe était dite : le trio de New York s'imposait dés lors comme "le son qui déchire grave sa maman", le must en matière "scrutechaussure" (tient, habituellement les traductions ça en jette grave...) se payant même la première partie de Nine Inch Nails lors du Light In The Sky Tours.
Le met de rêve du geek moyen, autrement dit le concentré de truc que personne n'écoute : space rock, indus, drone, coldwave, post-punk, noise, no wave... C'est peu dire qu'un guitariste qui fabrique ses propre pédales d'effet auxquels il donne des noms improbables tout droit sortis du meilleur des nanars science-fictionnesques des années 60 (Total Sonic Annihilation, Supersonic Fuzz Gun !) et dont le livre préféré s'appelle Analog Days, The Invention And Impact Of The Moog Synthetizer n'est pas exactement ce qu'on pourrait légitimement appeler le dernier piège à midinettes rock...

En fait, la bande a Ackermann était attendue au tournant pour leur deuxième effort justement intitulé Exploding Heads (clin d'œil à une scène bien connue du dérangeant Scanners de Cronenberg ?) Enfin, le temps n'est plus aux réflexions snobs sur les possibles références cinématographiques du groupe alors qu'on se fait littéralement écraser sous les coups de butoir de "It Is Nothing". Il y a quelque chose en plus ou en moins dans le jeu de JSpace. Moins synthétique, plus percutant que sur le premier album. Difficile à discerner, mais c'est un bien. Jamais caisse à timbre n'aura été autant maltraitée que tout au long de ce disque. C'est net, A Place to Bury Strangers a fait des concessions : derrière le feedback constant qui menace de noyer tout l'album dans une immense vague de fuzz, les mélodies sont plus présentes que dans l'album éponyme. Le truc qui manquait sur "My Weakness", c'était ça la faiblesse du grand frère. Corrigée à présent. Exploding Heads, derrière ses airs de Metal Machine Music, contient des putains de mélodies : un véritable album de pop on vous dit : "It Is Nothing", "Deadbeat", "Keep Slipping Away" ou encore le morceau titre "Exploding Heads" (un des meilleurs de l'album) sont des bijoux entêtants. Les geeks avide d'audace et de bruit blanc de la première heure ne seront pas en reste pour autant : de la coldwave à la Bauhaus de "In Your Arms", au gros son qui sature fait saigner les oreilles et crier le voisin de "Everything Always Goes Wrong" et "Smile When You Smile", entre temps, l'énorme rite païen de "Ego Death" aura fait taire les mauvaises langues. Puis, histoire de mettre tout le monde d'accord, la mélodie impeccable de "I Lived My Life to Stand in the Shadow of Your Heart" qui clos l'album mute peu à peu en une monstruosité inécoutable, deux minutes de musicalité parfaite pour trois d'explosion de bruit grinçants et étincelants. Voila qui est bien.

Pour la petite information, Pitchfork n'a accordé que 6,6/10 à Exploding Heads.

Note : ****

Liste des morceaux :

1. It Is Nothing
2. In Your Heart
3. Lost Feeling
4. Deadbeat
5. Keep Slipping Away
6. Ego Death
7. Smile When You Smile
8. Everything Always Goes Wrong
9. Exploding Heads
10. I Lived My Life to Stand in the Shadow of Your Heart

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lundi 5 juillet 2010

GURU GURU : KANGURU


L'un des grands trips musicaux de la deuxième moitié du XX ème siècle est la composition sous acide. Il est vrai que cette pratique s'est largement perprétrée dans l'univers du rock, mais il est finalement indéniable que la bonne parole a particulièrement atteint la musique cosmique de nos allemands préférés. Et il faut bien reconnaître qu'en dehors de toute considération morale, une telle expérience a fait ses preuves en donnant des résultats incontestable chez un bon paquet d'artistes. Non mais vous imaginez, vous, du CAN à jeun ? Cessons de plaisanter... Ensuite, il faut conserver un certain recul quant aux bienfaits de cette cure miraculeuse, qui demeure trop hasardeuse pour la certitude d'un résultat satisfaisant. Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire d'être médecin pour constater l'état de lucidité des trois cocos de Guru Guru au moment des faits, qui se constate dans le disque autant que sur la pochette... Peut être est ce la clé de l'excellence de Kanguru, album bondissant de joie et de bonne humeur mis au monde par le trio fantastique de drogués invétérés que forment Mani Neumeier, Uli Trepte et Ax Genrich.

Trois cinglés, trois morceaux qui ne le sont pas moins, une bonne combinaison. Le disque est particulièrement écoutable pour un album de Krautrock. La mélodie est basée sur la ligne de basse, très profonde, qui s'oppose cependant à la légèreté piquante qu'adopte le plus souvent le guitariste dans le premier morceau, qui alterne malgré tout son mode de jeu avec des accords plus éthérés. A cela s'ajoute une rythmique relativement énigmatique mais clairement exotique, et enfin les voix caractéristiques d'un shootage préalable à des substances que l'on trouve communément dans le commerce au noir... Les voix des Guru Guru étant impénétrables, je ne pourrais entrer dans une analyse de la véritable signification de leurs paroles, qui n'ont très probablement strictement aucun sens. Mais que pouvions nous attendre d'une troupe de Kangourous des neiges ? En tout cas, le résultat est sublime, d'une profondeur et d'un exotisme agréables d'une durée d'à peine plus de dix minutes.

Le deuxième titre est révélateur d'un des goûts particuliers du groupe : le cirque. Ils retournent alors leur veste - ou plutôt, devrais je dire, leur t-shirt moulant pour les vêtements colorés d'une troupe. Plus violent, Immer Lustig a pour base le mur sonore que dresse la guitare avec le mystérieux instrument à quatre cordes (oui, une basse, je sais...). Un véritable duel se met en place, entrecoupé par la voix et les synthés, complètement aériens. En tout cas, leurs moogs ou autres se mèlent aux cordes pour former un rugissement démentiel digne d'un avion de chasse français de première classe. La fin du moceau est surtout rythmique, et la composition devient incompréhensible, d'étranges oiseaux aux piaffements mignons tout plein avec leur blindage au delay se joignant à la fête. Il nous faut alors ajouter que l'une des grandes innovations du batteur de Guru Guru se trouve être une amélioration plutôt exotique - pour changer... - de ses toms. Il est le premier, en effet, à leur appliquer une sévère réverbération, de telle sorte que chaque coup de baguette est annonciateur d'un son cosmique impressionnant, pareil à un coup de tonerre. En clair, un solo de baterie ahurissant précurseur d'une formidable reprise guitaristique du morceau. L'on pourrait faire tout un article dessus, tant sa construction est fantastique, mais ce n'est pas ici l'objectif, et nous en laisserons la lourde tâche à quelque adorateur puriste de Guru Guru.

La suite du programme fait apparaître deux morceaux nettements plus "rock" que les deux premiers titres, si tant est que l'on puisse appliquer une définition plus claire de ce terme servi à toutes les sauces. La recette est simple et traditionnelle, mais efficace : mélodie jouée à la guitare orientée sur la ligne de basse qui n'a rien perdu de sa superbe, le tout entrecoupé d'extraits relativements cosmiques -c'est pas du kraut pour rien - et avec des intro aguicheuses en début de morceau. Le plus énigmatique de ces deux derniers morceaux est assurément Ooga Booga, au titre aussi évocateur qu'une banane flambée dans un film de Kurosawa, et dans lequel les musiciens ont parachevé leur transformation en vrais Kangourous du Pôle Nord, qui trouvent ainsi leur origine en l'an de grâce 1972. Sans commentaires.

Ainsi le trio nous offre un spectaculaire album sucré et exotique, d'une grande facilité d'accès mais néanmoins comique et lourd comme un croiseur de Star Wars, complètement démentiel, tout à fait dans l'esprit de sa pochette. Le disque révèle des photographies que l'on a généralement tendance à brûler de crainte qu'on ne les découvre, mais la preuve de l'originalité de Guru Guru n'est plus à faire. En tout cas, elle est sensible dans Kanguru, l'un de leur meilleurs albums sorti dans une année riche en expérience musicales de toutes sortes, 1972. Quatre morceaux qui vous propulserons dans un univers aussi éthéré que splendide, alimenté par trois déments musicaux. Kang Kang ? Guru Guru !

Note : ****1/2


Liste des morceaux :

1. Oxymoron (10.33)
2. Immer Lustig (15.38)
3. BabyCake Walk(10.56)
4. Ooga Booga (11.10)