mercredi 9 février 2011

COIL : THE ANGELIC CONVERSATION



"Being your slave, what should I do but tend

Upon the hours and times of your desire?"

Peter Christopherson et John Balhance écoutait Popol Vuh, c'est certain. Comme le groupe de Florian Fricke, Coil avait compris à quel point une bande originale peut s'émanciper du film qu'elle accompagne : à l'instar des musiques qui accompagnaient les films de Werner Herzog dans les années 70, la musique de The Angelic Conversation, long métrage expérimental militant de Dereck Jarman, se passe sans mal des images de ce dernier : elle se suffit à elle-même en tant que musique bien sûr, mais aussi en tant qu'histoire. Une histoire, un conte lent et méditatif où Coil a compris que, plus que les notes, le silence peut se transformer en puissante force évocatrice.

Le silence donc, il baigne l'album entier en fait, ponctué discrètement par des bruits d'eau, d'orage, bruits de pas, clochers d'église discrets... Des instruments il y en, peu certes, mais utilisés de manière judicieuse : envolée céleste de cordes, percussions martiales, timbales rituelles, rien n'est en quantité suffisante pour constituer un morceau, rien n'est jamais vraiment entendu : une tambour frotté, quelque secondes passent, un rêve, rien de plus... Au lieu de faire de la musique, Coil ne fait qu'en parler. Les contours sont dessinés mais l'encre n'est posé que par touche. The Angelic Conversation est un dessin érotique, rien n'est montré, tout n'est que suggestion.

Et puis il y a la voix, Judi Dench en fait, posé, sure d'elle, aussi large que le silence qui l'entoure presque constamment, déclamant posément Shakespeare, jamais trop longtemps, s'éteignant peu à peu, laissant place au silence, aux bruits d'eau, aux instruments, puis au silence à nouveau, étendu à perte de vue.

Quelque années plus tard, Coil écrira Ostia, sans peut être jamais réalisé à quel point The Angelic Conversation en annonçait la couleur : cette maitrise des cordes et du bruitage existait déjà sur ce dernier. A la lumière d'Ostia, The Angelic Conversation apparait comme une version dilatée du meilleur morceau de Coil. Un disque entier de tâtonnement, de recherche, une ébauche laissée comme tel par peur d'en gâcher les esquisses les plus belles.
Le duo se transforme ici : des débuts de Coil, violents et sales, s'élève quelque chose de plus singulier qu'on ne pouvait que supposer à l'écoute de Scatology. La musique industrielle de Coil s'est arrêté et de leurs début ces derniers n'ont gardés que deux morceaux : leur premier effort : "How To Destroy Angels" (car celui-ci était déjà un rituel païen avant d'être une musique), et "At The Heart of It All" (ici renommé Montecute), voyage onirique qui jurait avec la violence organique de Scatology. Coil venait de trouver un filon inexploité alors. Depuis, les deux hommes n'ont cessé creusés profond, très profond...


"To me, fair friend, you never can be old,
For as you were when first your eye I ey'd"

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