mercredi 30 décembre 2009

TIME OF ORCHIDS : NAMESAKE CAUTION


Nul besoin d'être mélomane averti pour constater que le mélange DIY/Internet aura été majoritairement, tout au long de cette nouvelle décennie, une abominable catastrophe. Jusque là, les milliers de formations rêveuses mais malheureusement dénuée d'une once de talent qui peuplaient la quasi totalité de la terre ne faisaient que balbutier gentiment des ersatz de leur idoles en pondant une fois sur mille un morceau correct/bon/génial (Merci Nuggets). Fort heureusement, le monde était jusque là préservé de cette perfide masse qui complotait derrière son dos, du fait du manque de puissance de frappe de ces derniers. Oh bien sur, quelques formations illégitimes ont malencontreusement et malheureusement franchi la frontière de l'anonymat pour se retrouver on ne sait trop comment en plein sur la scène du jour au lendemain, mais mis à part ces quelques incidents, rien de grave à déplorer. Puis, Internet s'est imposé au monde et à la musique sans que personne n'ai rien vu venir (en fait le monde entier de la fin des années 90 peut être comparé à une petite chaumière situé en plein milieu de la jolie plaine de Tunguska le 30 Juin 1908). Quoiqu'il en soit, la brèche était ouverte, le phénomène myspace se chargeant consciencieusement d'achever les survivants, le flot longtemps retenu du DIY s'est abattu sur le monde. Être musicien ne devint alors qu'une formalité. N'importe qui pouvait faire de la musique. Et faute de savoir en jouer, le drapeau de l'avant gardisme et de l'expérimentation ne cesse d'être l'argument le plus fidèle de ce cette déferlante cacophonie. On essayera de ne pas trop s'attarder sur la triste besogne de nombreux sites exhumant chaque jour des centaines de vieilles merdes 70s dont personne n'avait rien à foutre à l'époque, mais qui semble à présent passionner les foules.

Mais cessons de pester contre cette dure réalité et prenons la chose sous un autre angle. Certes, l'avant gardisme est un mouvement casse gueule aux figures de style quasi impossible à maitriser puisque toujours en mouvement et jamais définis. Enfin, sans se donner des air snobs et constater outré que des milliers de morveux tente de piétiner les plates bandes de la musique savante en enregistrant du Steve Reich maison ou du Stockhausen de boite de nuit, on est forcé d'admettre que, si le terme avant gardisme reste à employer avec des pincettes, on trouve sur la toile une poignée de trucs vaguement expérimentaux bons, voire excellents.

Mais j'imagine déjà la tête de centaines, non de dizaines (ne soyont pas trop optimistes quand aux nombres de lecteurs futurs de cet article en puissance) d'érudits outrés par des propos aussi candides. Maintenant il s'agit de se mettre d'accord : l'audace et l'expérimentation musicale populaire ne date pas des années 2000, et on déjà fait leur preuves dans le temps. Les années 90 avaient le duo Trey Spruance/Mike Patton qui entrainé Mr Bungle au sommet de son art en rendant la pop et l'easy listening avant guardistes sur California, les années 80 des milliers de premiers de la classe rebelles eurent l'occasion de s'adonner à un jeu solitaire unique en écoutant Sonic Youth, les années 70 furent le terrain de jeu de l'audacieux, quoique très controversé, rock progressif...
Mais Internet a fait exploser l'audace musicale pour le meilleur, souvent pour le pire. Seulement, ici, nous parleront du premier cas de figure.

Déjà, un groupe qui signe son dernier album sur le label de John Zorn ça calme directement les ardeurs. Puis il suffit de jeter un coup d'œil sur la source d'information la moins fiable de tout les temps pour apprendre que les joyeux lurons de Time Of Orchids font du rock progressif d'avant garde. Une rapide écoute de leur dernier album et voila la formation new-yorkaise diréctement rangé dans le tiroir cérébral étiqueté "Intéressant mais ça va pas plus loin". Sarcast While est un mélange plutôt insipide de jazz, de métal, et de prog flanqué d'un chanteur persuadé d'être un lointain cousin de Patton.

Ça c'était en 2006.

Que s'est il passé en un an ? Intervention divine, possession par le malin ou encore sombre marché passé avec une quelconque divinité antédiluvienne interstellaire sortie tout droit des meilleurs nouvelles de Lovecraft ? Quelle qu'en soit la cause le son des Time Of Orchids en est profondément modifié. De la purge cathartique qu'ont fait subir les Time Of Orchids à leur musique n'en est ressortis que leur amour pour les rythmes alambiqués tout en contretemps, les structures labyrinthiques quasi aléatoires de leur morceaux, les ambiances plus reposés qu'y n'apparaissaient que trop rarement dans Sarcast While.
Mais en plus de s'être débarrassés de tout le poids superflu qui clouais leur dernier album au sol, le groupe s'est payé le luxe de chercher des vrais mélodies ("un ornement" qui manque à beaucoup de formations pseudo-expérimentales). En somme, les Times Of Orchids se sont mis à écrire de vrais chansons.

Enfin, calmons nous les enfants. J'en voie déjà qui se ruent avidement sur un célèbre site de vente par Internet pour commander Namesake Caution (dois je prendre mes lecteurs pour des demeurés en leur précisant que ceci est le nom du dernier opus des Time Of Orchids ?), déjà je peut prédire l'amer déception qui va se lire sur le visage et sur les lèvres de ces derniers. "Quoi ? De vrais mélodies ?! C'est inécoutable !" Patience, patience... Au risque de passer pour un snob des plus énervants il est de mon devoir d'avertir tout lecteur de la position avec laquelle il faut aborder le chef d'œuvre des New-Yorkais : Namesake Caution est un disque riche, profond, et c'est pourquoi celui-ci demande du temps, de l'approfondissement et de la patience. Il s'agit d'apprivoiser la bête. ("Oh ! L'autre ! Z'avez vu comme il se la pète ! Style il a atteint des sphères musicales inaccessible au commun des mortels"). Il faut nuancer la chose : les Time Of Orchids n'aspirent ni à la musique contemporaine, ni au free jazz. Seulement, le creuset à l'intérieur duquel se mélange parfaitement pop, shoegaze, musique déstructurée, rock progressif et Robert Wyatt (c'est un genre à part entière non ?) peut paraitre, à première vue, peu avenant. ("Facile ! Tu fais style c'est le meilleur album de tout les temps mais le jour où les gens on passé assez de temps à écouter tes conneries et ne voient toujours pas la lumière tu te fais tout petit...") On pourrais croire ça, d'un autre côté on se ferais vite chié si toute l'essence d'une œuvre nous sautait au yeux dès la première écoute... Quand on vois le nombre de gens persévérants qui écoutent Magma et Tool...

Mais une fois l'initiation terminée, la musicalité et la richesse de l'œuvre se montre enfin au grand jour. De la montée en puissance musicale de "In Color Captivating" jusqu'à la longue méditation au synthétiseur qui conclut "Entertainment Woe", partout les différents instruments se mélangent, se superposent, se coupent la parole, surprenant l'auditeur à chaque nouveau morceau, créant des mélodies improbables là où on ne les attendaient pas. La musique se tort violemment, faisant jaillir de nouveaux motifs que le groupe prends un malin plaisir à réduire en miette à coup de percussions, de changements de voix inattendues ("Darling Abandon"). Le chanteur s'est enfin décidé à pondre des trucs corrects et joue sans difficulté aux montagnes russes tout au long de l'album, massacrant joyeusement toutes les conventions de tempo et de gammes ("Crib Tinge To Callow"). Si les grosses guitares metal n'ont pas totalement disparues (celles-ci viennent de temps à autre appuyer le chant et les percussions ("The Gem") on est tout de même bien loin du bordel insipide de Sarcast While.

Après tout ça, si certains trouvent Namesake Caution chiant on leur répondra : Third, Zeit, Low, In The Court Of The Crimson King, Aenima, Déja Vu, Odessey And Oracle, Rock Bottom, Loveless. Autant d'albums "chiants", autant de chefs d'œuvre.

Note : *****

Liste des morceaux :

1. In Color Captivating
2. Windswept Spectacle
3. Darling Abandon
4. Parade Of Seasons
5. The Only Thing
6. Gem
7. Crib Tinge To Callow
8. Meant (Hush-Hush)
9. We Speak In Shards
10. Entertainment Woes

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Rien de bien spéciale à écouter.

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