mercredi 14 avril 2010

BAUHAUS : PRESS THE EJECT AND GIVE ME THE TAPE


On aura beau dire, c'est dingue de voir à quel point les années 80 ont été sous-estimés, musicalement compressées aux son des claviers de Orchestral Manoeuvre ou de Soft Cell, visuellement rabaissé à cet affreux culte du kitsch et du glacial. Autant le dire tout de suite, j'ai moi même été (dans ma folle jeunesse) le premier à cracher sur ces années noires. J'entend déjà la foule indignée crier "Comment, les années 80 à jeter ? Mais que faisiez vous de Slayer, Coil, Einsturzende Neubauten, Siouxsie & The Banshee et de Bauhaus ? Que faisiez vous de Bauhaus ?!" Je le sais, j'étais jeune et ignorant, mais aujourd'hui à sonné l'heure de la rédemption !

Voila qui est fait. Ah ! Encore un autre préjugé qu'il serait bon d'éradiquer : la musique gothique n'est pas un genre de défouloir black metal pour frustré des grandes chaines de mode, un truc emo destiné aux jeunes adolescentes décidant de se couper les veines car "la vie n'est qu'un torrent de larmes et qu'une fois descendu aux enfers elles pourront vivre librement leur hymen avec le prince des ténèbres" (son mec vient de la larguer,) ou encore une autre connerie dans le genre, mais un réel courant artistique à l'époque incroyablement snobé par des milliers d'auditeurs qui préféraient les couleurs bien flashy de la New Wave aux photos noir et blanc de Bauhaus.

Ah oui ! C'est à ça que je voulais en venir, Bauhaus (prononcer "Bahohahos"), fer de lance de la coldwave/batcave/post-punk (prononcer gothique) avait pour lui plusieurs avantages auxquels n'ont jamais pu prétendre toute une tripotée de formation mineures ou majeures tel que les Virgin Prunes ou les Sisters Of Mercy. D'abord, ces derniers pratiquaient une musique autrement plus réfléchi et intellectuelle (comment ça l'histoire a prouvé que c'était pas forcement une qualité ?) que les groupes cités plus haut et autre Cramps. Pochette travaillées, références obscures, délires aux synthés ("Paranoia, Paranoia"), et morceaux à l'architecture complexe (désolé, j'ai pas pu m'en empêcher.) Les quatre mecs sortaient d'une école d'art, nan mais faut pas déconner quand même. Puis qu'on aime ou qu'on déteste, Bauhaus se payait une des voix les plus impressionnantes des eighties. Pas loin derrière celui du feu génial John Balance, le timbre de Peter Murphy imprimait à Bauhaus la marque des grands groupes.

Bref, l'ensemble était tel qu'en live ça transcendait le studio. Et surprise ! Comme la vie est bien faite : ce Press The Eject And Give Me The Tape, premier enregistrement live avant l'ultime effort studio de Bauhaus semble tout droit tombé du ciel pour remettre d'un grand coup de pédale disto les hordes de gothiques et emo actuelles dans le droit chemin du déguisement sobre mais avec trop maquillage (mais où ils sont allés chercher cette histoire de chaine et de crucifix...Pfff...Encore un truc à la Christian Death...)
Enfin bon passons. L'ouverture anthologique de la performance aura achevé de convaincre les sceptiques que Bauhaus est tout sauf le rève des maisons de disque : sur fond de guitares dissonante, Peter Murphy torture son timbre Bowinien, le malmène jusqu'à hurler ce refrain énigmatique "I get bored/ I do get bored/ In the flat field !". S'ensuit une reprise aux couplets quasi atonales du "Rosegarden Funeral Of Shores" de John Cale histoire de bien rappeler les influences bruitistes de la formation. Bruitiste c'est le mot, d'ailleurs Bauhaus n'a jamais sonné aussi industriel que sur cet album. C'est simple, le son est d'une brutalité remarquable, tout en fuzz et en distortion. Un véritable hommage à la culture du bruit. Même les tentations pop du groupe disparaissent sous la couche d'oxyde de fer : le riff de basse ringard de "Kick In The Eye" s'oublie peu à peu sous les frappes chirurgicale de Daniel Ash, le très moyen "In Fear Of Fear" est avalé par un saxophone en plein délire et des synthétiseurs atonaux.
Puis il y a ce "Bela Lugosi Is Dead", coup d'envoi de Bauhaus, qui demeurera leur plus beau succés jusqu'à leur séparation en 1983 : neuf minutes trente portés par un riff à moitié effacé, du feedback, des changements de rythme, la voix spectrale de Peter Murphy : "Bela Lugosi's dead/ Undead undead undead", et ces synthétiseurs sépulcraux, hantés diront certains. Après ce monumental pilier de la musique gothique, on permettra à Bauhaus d'être un tout petit chiant dans les débuts de "The Spy In The Cab" ou de se taper un petit délire à la Christian Death au milieu de "Stigmata Martyr" ("In nomine patri/ et fili/ et spiritus sanctus.") Et si il reste des réfractaires la terrifiante ballade "Hollow Hills", largement supérieure à l'originale et le final punk "Dark Entries" achèvera de les convaincre que Bauhaus était un groupe de scène.

Note : ****1/2

Liste des morceaux :

1. In The Flat Field
2. Rose Garden Funeral Of Shore
3. Dancing
4. The Man With X-Ray Eyes
5. Bela Lugosi Is Dead
6. The Spy In The Cab
7. Kick In The Eye
8. In Fear Of Fear
9. Hollow Hills
10. Stigmata Martyr
11. Dark Entries

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- In The Flat Field

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