mercredi 7 avril 2010

MILES DAVIS : SOMEDAY MY PRINCE WILL COME

Existe-t-il un "Dieu du Jazz" sur Terre ? Si c'est le cas, il s'appelle probablement Miles Davis. Notre trompettiste en possède en effet tous les attributs : un talent de jeu et de composition sans pareil, des accompagnateurs très doués (John Coltrane a même été embauché pour le disque...) et surtout, surtout, une arrogance à toute épreuve. Davis considère son "Oeuvre" avec une (trop) grande fierté. Et le plus agaçant, c'est qu'il a raison. En tout cas, Walt Disney, un personnage aussi fier que célèbre dans l'animation lui a donné de l'inspiration. Tout démarre avec quelques accords au piano sous agréable fond de basse - ou plutôt de contrebasse, les musiciens de l'époque n'ayant pas encore été pervertis par l'apparition de la basse électrique... - et enfin vient la trompette, qui souffle d'un ton nasillard le thème que tous connaissent. D'une façon presque surnaturelle, on croirait entendre une jeune femme chantonner tristement : "Un jour, mon prince viendra ; il me reconnaîtra!" dans une clairière où se promènent en toute impunité sept nains, un dragon et Bambi émergeant de la brume matinale...

L'un des atouts les plus remarquables du disque est le talent incontestable du pianiste. Il manie avec facilité l'improvisation blues, et il retrace ses accords avec une telle légèreté qu'ils en paraissent irréels, rêveurs... Sautant du coq à l'âne en passant d'un jeu triste à un jeu guilleret, Wynton Kelly parvient à émouvoir aisément. Il est le directeur des sensations de ses auditeurs. Le contrebassiste joue sans peine ses gammes de blues avec un rythme... variable. Il donne vraiment le sentiment de jouer au feeling. Ce qu'il fait probablement, ce qui réussit au morceau! Ah! Les joies de l'improvisation blues... Aussi partagées par Jimmy Cobb et Philly Joe Jones, les deux batteurs (ils jouent à des morceaux différents...). Comme on ne le répètera jamais assez, la batterie dans le jazz n'est pas un rôle de branleur. Ils suivent des rythmes que le commun des mortels ne peut pas suivre, et se superposent en tant qu'instrument (et non un simple métronome!) dans le morceau. Il n'est d'ailleurs pas rare d'entendre des solos de batterie dans le jazz, à couper le sifflet à Karl Palmer Vous pourrez admirer, d'ailleurs, les remarquables breaks effectués dans "Blues n°2". Impressionnant. A ce fond sonore à l'aspect bordélique mais en vérité très étudié s'ajoutent enfin les cuivres. On peut dire que ces derniers remplacent, si l'on devait faire une vaine analogie entre le jazz et le rock, les chanteurs. En tout cas, ils suivent le fil d'Ariane déroulé par les autres musiciens pour lâcher une mélodie plus concrète - qui a tendance, cependant, à nous couler entre les oreilles - selon le fond du morceau. Ainsi, Miles Davis, John Coltrane et Hank Mobley produisent des sonorités aigues et légères, ou plus graves et plus profonde afin de parachever le morceau avec la trompette et les deux saxophones. Je ne me lancerais pas dans une inutile description de leur genre précis d'instrument, rendez-vous plutôt à une conférence sur ce sujet s'il vous intéresse.

Le résultat est enchanteur. Entre le fond sonore, un bon fouillis contrôlé, et les cuivres, qui forment l'enveloppe tonale, les morceaux provoquent chez leurs auditeurs connaisseurs des montées émotionnelles fortes, provoquées par les gammes et accords spécifiques ce genre musical à la fois si précis et si profond... La virtuosité n'est pas mise en avant, mais on la remarque à la facilité de jeu des différents musiciens. Chacun profite de son heure de gloire avec les autres, en même temps que les autres, une vraie communion avec la musique réalisée entre ses auteurs et ses auditeurs. Dans l'ensemble, le disque est quand même très langoureux - enfin, faut dire aussi qu'avec un thème de Walt Disney comme titre de disque, on pouvait s'y attendre! - et ponctué de notes à la trompette longuement prolongées. Et on a le droit, en petit bonus, à une prise alternative de "Someday my prince will come" ! On aurait pu s'attendre à une copie conforme du premier morceau du disque, mais cette version s'avère finalement être sensiblement différente - et non moins attractive - que la première. Comparez donc les deux, vous serez étonné(e) de constater le degré de leur différence... (Au niveau émotionnel, surtout!). Et puis, cet album, le livret même peut être une justification pour son achat. Vous pourrez admirer les têtes décidées des batteurs, du pieux bassiste (avec une jolie tête de la Vierge Marie sur sa contrebasse), du pianiste chapoté (selon le stéréotype, après tout, tous les pianistes de jazz portent un chapeau noir, alors pourquoi pas lui ?) des saxophonistes à l'air pensif et enfin Miles Davis avec une clope retombant négligemment sur le coin de la bouche... Je ne compte pas le minois de la pochette comme une musicienne... bien qu'elle joue bien son rôle de Cendrillon - ou Blanche Neige, je ne sais plus... Enfin... Trêve de commentaires oiseux, et passons au jazz!

Note : ****

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- A peu près tout de la centaine d'albums de Miles Davis...

Liste des morceaux :

1. Someday My Prince Will Come (9.02)

2. Old Folks (5.14)

3. Pfrancing (8.30)

4. Drad Dog (4.49)

5. Teo (9.33)

6. I Thought About You (4.52)

Bonus Tracks :

7. Blues No. 2 (7.05)

8. Someday My Prince Will Come (Alternate Take) (5.34)

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