vendredi 11 décembre 2009

LAIBACH : OPUS DEI


Deux idées chères à la hype. La première c'est une vision légèrement bornée de la musique qui voudrait que le rock soit un phénomène musical dont les frontières borderaient exclusivement les pays anglophones et la France (ah tiens, la France ?) Ceci étant dit, qui pourrait reprocher à la "relève du rock d'aujourd'hui" de s'accrocher à cette idée rassurante d'un mouvement musical aux horizons linguistiques pas plus large que le diaphragme d'un microscope à effet tunnel et aux possibilités musicale aussi enroulées sur elle même que la coquille de n'importe quelle mollusque conscient des dangers du monde extérieurs. Trêve de divagation (vous aurez remarqué, cher lecteur, chère lectrice, la complaisance avec laquelle l'auteur de ce texte maltraite les nouveaux rockers en sucre d'orge enrobé de papier cigarette. Ce sur quoi vous aurez été légitimement scandalisé, avant de bien y réfléchir, et d'en tirer la conclusion qu'au fond ils le mérite bien ces petits cons.) Reprenons. La deuxième entreprise ridiculement prétentieuse et vouée à l'échec du, permettez que je les appelle comme cela, club Doherty, est en ce moment même de vouloir faire entrer un héritage de plus d'un demi siècle (dont ils n'ont d'ailleurs qu'une idée particulièrement brumeuse et faussée) dans une petite case/cage avec ses règles musicales et ses codes comportementaux et vestimentaires relativement strict. D'où la grosse connerie avec laquelle on nous rabâche les oreilles depuis au moins un an : "C'est quoi être Rock en 200X ?) Mais mon pauvre monsieur Manoeuvre, si le mot rock était définissable je ne serais sans doute pas en train d'écrire ce putain d'article. Pas ce que excusez moi du peu mais les slovènes de Laibach ne sont ni anglophones, ni français (la nationalité du groupe s'est cachée quelque part dans cette phrase, saura tu la retrouver ?) ni Rock avec un grand R !

Pas Rock, encore que si ça se trouve c'est le reste du monde qui n'est pas rock. Soyons cool et considérons que la rock attitude n'est qu'une question de degré d'humour. Alors, plutot classe qui se prend la tête ou plutôt ridicule à en vomir ses boyaux de rire le rock ? La réponse on la connaitra jamais et c'est pour ça qu'une grande majorité de groupe ne sauront jamais si ils sont "rock" (bon sang, vivement que cette introduction soit fini, je déteste cette expression) la faute à trop pencher pour un des deux extrêmes alors que Laibach, eux, sont les deux à la fois.

Mais n'allez pas croire que Laibach se trouve au milieu, sorte de compromis timide à un dilemme bien trop cornélien pour être rock (en revanche ça c'est sur). Non. Laibach c'est les deux extrêmes à la fois. Intimidants quand les slovènes montent sur scène en tenues militaires, dérangeants quand on connait les rumeurs qui courent sur leur sympathie supposée pour le néo-nazisme, inquiétant quand exhibant ostensiblement cet ignoble croix symbole si ambigüe que les imbéciles de Rammstein reprendront sans trop y réfléchir, enfin, sérieux quand ces même qu'on accusent des pires horreurs montent sur scène en arborant le drapeau Israélien pendant la tournée de Volk. Mais aussi hilarants par leurs reprises méconnaissables des squatteurs du hit-parade, ironiques quand ceux-ci répondent avec ambiguïté aux accusations qu'on leur porte, enfin irrésistiblement ridicule quand on entend avec quelle ferveur Milan Fras vomit ses incantations gutturales sur fond de marches martiales.

Incontestablement, tel des masques de théâtre antique, Laibach fusionne Jekyll et Hyde en une seul et même personnalité dont la venue se fait dans un gros fracas de métal grinçant, de bois brisé et de roche pulvérisée. Emmené dans le sillage du courant Indu qui connait alors ses meilleurs années. Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle...En Allemagne, le cadavre putrefié du Krautrock, encore animé par de violents spasmes, se nourrit de l'indu et nous offre les surprenants Einsturzende Neubauten (une évolution de Faust nourri au sein rebondi de Genesis P-Orridge). Laibach émerge de cette nouvelle scène bouillonnante et se montre bien décidé à jeter son pavé dans le limon fertile de l'indu naissant (ce qui, contrairement à toute attente de la part d'une pierre tombant dans une boue riche en sel minéraux, à fait un peu plus que "splotch")

Mais aujourd'hui encore, malgré une discographie impressionnante et un statut de groupe culte bien mérité, Laibach reste encore confidentiel au possible alors que les grosses pointures du métal industriel dont on ne sauvera que Nine Inch Nail s'amuse à massacrer l'héritage de la musique industriel. Même Opus Dei, pourtant chef d'œuvre incontestable et plus bel réussite artistique de la Slovénie (ce qui n'a rien d'un exploit en soit mais mérite d'en prendre note) semble complétement tombé dans l'oubli. Qui sait, Queen aura peut être fait jouer ses relations afin de se venger de "Geburt Einer Nation" reprise ultra militaire de leur "One Vision" où on pensait ne rien pouvoir sauver. Mais que dire de "Leben Heisst Leben" superbe détournement de "Live Is Life", tube FM pour amoureux des crétineries eighties. Ironie cinglante adressée au groupe autrichien auquel Laibach dédie la version anglaise de la reprise sous un nom délicieusement cinglant ("Opus Dei") Indubitablement, si Laibach excelle dans un domaine, c'est bien celui de la reprise saignante. Personne depuis Opus Dei n'a réussi de tels tours de forces. Laibach frappe les tubes FM, les torturent jusqu'à ce que ceux-ci, exsangues, essorés par une poigne de fer, apparaissent sous un nouveau jour et commencent à dévoiler leur réel potentiel. Mais coller l'étiquette tribute band à Laibach serait aussi absurde que cela à pu l'être une vingtaine d'années plus tôt avec les Vanilla Fudge. En plus de s'approprier complétement leurs reprises, les membres de Laibach se trouvent être également incroyablement doués pour la composition. "Leben - Tod" véritable char d'assaut avançant à un rythme de marteau frappé en cadence aux paroles minimalistes talonne de très prés "Amboss" d'Ash Ra Tempel dans la catégorie atomisation de neurones. Deuxième passage à la mitrailleuse embarquée en train sur ce "Trans-National" aux paroles ultra minimalistes, en direction de l'abattoir "How The West Was Won" (toute ressemblance avec le live d'un groupe anglo-saxon un tout petit peu trop gonflé à l'hydrogène est fortuite) qui finit d'arracher les abats pour les funérailles en règle de "Great Seal" qui termine l'album sur un semblant de musicalité et un extrait du fameux discour de Churchill qu'on retrouve au tout début d'un certain Live After Death (de Margaret Tat...Euh...Iron Maiden).

Finalement nous voila convaincu d'une chose, les marches militaires russes, allemandes, ou slovènes, quoi de plus rock ? A ce train là on aimera jusqu'à l'hymne du Front National dans peu de temps.

Aprés tout, si il est chanté par Laibach pourquoi pas...

Note : *****

Liste des morceaux :

1. Leben Heißt Leben
2. Geburt Einer Nation
3. Leben - Tod
4. F.I.A.T.
5. Opus Dei
6. Trans-National
7. How the West Was Won
8. Great Seal

Du même artiste :

Vous allez aimer :
- Volk

Rien de fondamentalement mauvais.

1 commentaire:

  1. Woh ça sonne bien lourd tout ça.

    Ouais ben pour te répondre sur notre regretté chanteur des Seeds, j'ai bien entendu appris la nouvelle deux jours après sa mort... les Seeds ... c'est vrai qu'à part les deux "tubes" (tout est relatif, hein) de nuggets, on connait très moyennement...
    mais DIANTRE. Can't Seem to Make You Mine, ça reste une pépite, et que dire de Pushin' Too Hard !? ralala il nous manque ce petit Sky Saxon tout excité...

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