jeudi 14 janvier 2010

JAY REATARD : MATADOR SINGLES '08


C'est Lemy Kilminster, Mick Jagger et Pete Townshend qui on du bien se marrer ce matin en se connectant à Twitter . Alors que les vieux croutons continuent leur branlette nostalgique devant d'autres vieux croutons les jeunes, eux, clamsent tout seul.
Jay Reatard est mort ce matin dans son sommeil, comme ça, sans rien dire à personne, et sans qu'on sache encore pourquoi. Inutile de dire que pour le grand publi son décès aura autant d'importance que celui de Germaine de Trou-Martin morte d'un infarctus en voyant momo, son caniche, se pencher au dessus de la fenêtre du premier étage du HLM du soleil rayonnant à Villeurbanne. Mais pour tout les geeks de la planète quelle perte énorme ! Car avant toute chose c'était bien ça dont il s'agissait : Jay Reatard était un geek. Et comme tout geek Jay Reatard était gros, moche, avait tout écouté, tout assimilé et cultivait une passion sincère pour les groupes garage 60s et le post-punk. Mais comme peu de geek avant lui, Jay Reatard était incroyablement talentueux et prolifique. Avec combien de groupe l'homme a-t-il joué ? Impossible de s'en souvenir, tout ce qui compte c'est l'incroyable capacité qu'avait cet ado attardé à pondre des putains de chansons comme le faisaient avant lui les quelques cinquantaines de formations regroupées sur Nuggets, les Zombies, ou plus tardivement les Undertones, à la différence prés que Jay Reatard était seul et composait du matin au soir et faisait tout à la maison sans les copains. C'est ce talent inné pour les strikes, là où d'autres ne touchent que la moitié des quilles qui faisait sortir au multi-instrumentiste pas loin de cinq EPs par ans depuis 2006. Autant le dire tout de suite, le concept de l'album et tout, le mec n'en avait rien a foutre. Bloqué dans les 60s Jay Reatard enchainait singles sur singles, 45 tours sur 45 tours... Puis un beau jour de Novembre le geek ultime s'est décidé à tout foutre en vrac dans un disque et de l'envoyer au premier label qui lui tombait sous la main (Matador en l'occurrence.)

Le résultat ? Une vrai claque. De "See Saw", rentre dedans naïf mais oh combien efficace, à la complainte aux paroles minimalistes de "I'm Watching You", c'est 13 leçons de simplicités assenées par un punk à la voix trépigneuse et maladroite. Jay Reatard est un multi-instrumentiste low-cost, jouant de tout mais n'abusant de rien. Capable de tirer la mélodie du siècle sur quelques accords de guitare portés par des synthés tout pourris. Une sorte de DIY poussé à l'extrême en quelque sorte, sauf que les mélodies de Jay Reatard sont réelles, sans maquillages, directes. C'est simple, comment résister à des trucs comme "You Mean Nothing To Me", ou "See Saw" ? Des putain de mélodies certes, mais aussi des gros coups de bourrinage punk ("DOA", "Hiding Hole"), des ballades semi-oniriques ("You Were Sleeping"), et même des trucs dont les sonorités et les structures vont un peu plus loin que le garage de base ("Fluorescent Grey", "An Ugly Death"). Certains disent qu'on reconnais un grand artiste à ses influences. Ceux là seront servis : les Ramones, les Beatles, les Count Five (et par la même toutes les autres formations west coast de la fin des 60s), les Buzzcocks, les Undertones, et même Amon Düül II (l'intro de "An Ugly Death" semble directement à quelques démos oubliés de Phallus Dei) tous servent la même cause, celle du garage, ou plutôt celle de Jay Reatard pour éviter d'enfermer l'artiste dans une petite case. Qu'ils soient énervés, flippants, jaloux, puériles, tristes, drôles, agaçants, les 13 baffes de la compilation ne peuvent laisser personne indifférents.

Hélas, l'oiseau prometteur a été abattu en plein vol, Jay Reatard nous quitte mais ne nous laisse pas seul. Des tonnes de chansons, des collaborations et des sides projects à ne plus savoir qu'en faire. N'empêche que voila, c'est con. Étrange ironie du sort, quelques mois après la sortie de son deuxième album, le musicien accordait une interview à Rock&Folk, et y déclarait ceci : "Je veut seulement rester vivant. Je vais bientôt avoir trente ans, pas envie de ressembler à un sexagénaire accro à la coke." Pire encore, dans la préface de cette même interview on pouvait lire "un second disque [...] qui n'a rien du chant du cygne...". Faut il pousser l'ironie jusqu'à rappeler que le nom que le musicien avait choisi pour son dernier LP était Watch Me Fall ? Comme quoi les blagues les plus noires sont toujours celles qu'on ne croit pas faire. A présent, la pochette de Matador's Single '08 illustre parfaitement la situation : les yeux fermés, la bouche ouverte, Jay Reatard semble dormir...

"Didn't even say goodbye [...] An ugly death..."

Note : ****

Liste des morceaux :

1. See Saw
2. Screaming Hands
3. Painted Shut
4. An Ugly Death
5. Always Wanting More
6. You Mean Nothing To Me
7. Fluorescent Grey
8. Trapped Here
9. Hidding Hole
10. DOA
11. No Time
12. You Were Sleeping
13. I'm Watching You

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