dimanche 2 novembre 2008

BOB DYLAN: BLOOD ON THE TRACKS


Qui sommes-nous, pauvres critiques amateurs, pour oser disséquer une oeuvre du prophète, gourou, et autres substantifs pompeux et insuffisants, qui changea de peau plus de fois que Michael Jackson le fit au sens propre? On ne peut que s'incliner respectueusement devant ses albums, sans rien y trouver à redire (excepté sur quelques égarements des années 80, et encore). Et surtout pas sur Blood On The Tracks. Parce que, c'est bien le problème, nous sommes face à un petit chef-d'oeuvre, tout simplement. Cet album date de 1975: l'artiste vient de quitter l'électricité, et...Sarah, sa femme. On est donc face à un album de divorce, concept que Marvin Gaye reprendra sur Here My Dear en 1978, envoyant au passage des "amabilités" diverses à son ex. Est-ce un concept album, un opéra folk ou tout simplement un recueil de chansons inspirées du même mal?

L'enregistrement de l'album est d'abord fait avec le groupe Delivrance, groupe plus ou moins à géométrie variable, des instrumentistes arrivant en studio au fur et à mesure des diverses sessions. Ainsi sur les titres "You're Gonna Make Me Lonesome When You Go" et "Shelter From The Storm", notre prophète joue seul avec son bassiste. Après avoir réenregistré une partie des plages qui n'étaient pas à son goût, le messie décide enfin de sortir l'album, dont la réalisation aura quand même totalisé 13 musiciens... Musicalement, l'album est tiraillé, comme l'homme: il reflète que Dylan ressent à ce moment la colère, la culpabilité, la douleur: bien que jouant majoritairement sur le clavier et la guitare acoustique, "Blood On The Tracks" est hanté par des basses et des batteries qui assurent une cohérence au fond. Sur "Tangled Up In Blue", introït rythmé par un charleston, la voix est, sans être blasée, dépressive. Ce titre traite avec mélancolie de la rencontre du couple. Sur "Simple Twist Of Fate", une promenade d'un jeune couple est ici narrée à la troisième personne par le barde seul à la guitare, qui parle ensuite du départ de la fille aimée au petit matin et conclut sur ces mots: "Elle était née au printemps, et moi trop tard, à cause d'un simple coup du destin..."


Puis Dylan, désemparé, prend un ton convaincu pour tenter de rattrapper son épouse, dans "You're A Big Girl Now", et, énervé par ses échecs, blâme et insulte Sarah, sur "Idiot Wind", où la musique perd de sa douceur et Dylan apparait clairement paranoïaque, allant jusqu'à évoquer des complots de la presse. "You're Gonna Make Me Lonesome When You Go", jouée à deux instruments seulement, montre un Dylan qui ne contrôle plus sa tristesse, même s'il tente de la dissimuler: la musique est dépouillée, on imaginera aisément Dylan sous la fenêtre de Sarah, en train de lui chanter, en amant déchu empoignant sa guitare: "Je te verrai dans les nuées, dans l'herbe haute, dans celles que j'aime, même si je serai bien seul quand tu partiras"... Mais il est faible et amer sur "Meet Me In The Morning", seule piste de l'album où apparaissent de virulentes guitares électriques. "Lily, Rosemary and The Jack Of Hearts", morceau de country, semble s'écarter du sujet principal, avec une histoire d'amour portée par un rythme accéléré et joyeux, même si l'histoire en question... a une fin malheureuse. Malgré cela, le Messie folk n'arrive pas à oublier son amour: dans "If You See Her, Say Hello", portée par deux guitares oniriques, il ne s'adresse pas directement à sa femme, mais à l'auditeur. Et dans "Shelter From The Storm", il redevient amer, regrette le passé. Les sautes d'humeur se reflètent dans la musique. L'accompagnement tient du minimalisme dans cette piste, et il en va de même dans la cloture élégiaque du disque: "Buckets Of Rain", métaphore des larmes versées par le poète, qui devient presque fou.

Que dire de cet album? Tout (et son contraire) a déjà été dit. On a parlé maintes fois de chef-d'oeuvre, qui fut promu 16ème meilleur album de tous les temps par le magazine Rolling Stone...
L'album est, malgré tout, dépressif. Sa terrible ligne directrice en fait un journal intime tourmenté mais néanmoins cohérent.

Note: *****

1- Tangled Up in Blue– 5:40
2- Simple Twist of Fate – 4:18
3- You're a Big Girl Now – 4:36
4- Idiot Wind – 7:45
5- You're Gonna Make Me Lonesome When You Go – 2:58
6- Meet Me in the Morning – 4:19
7- Lily, Rosemary and the Jack of Hearts – 8:50
8- If You See Her, Say Hello – 4:46
9- Shelter from the Storm – 4:59
10- Buckets of Rain – 3:29

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2 commentaires:

  1. Merci de ton passage ... et c'est vrai que dans mon blog un grand nombre de classiques du rock vont etre reprisés à toutes les sauces. Mais bon, de temps en temps y'a de belles surprises! Je ferai regulierement des visites sur ton site pour inspiration et découverte de tes billets.
    A + juthova

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  2. Très bon article Antoine 16ans de Lyon ;)
    tout a été dit !

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