mardi 31 mars 2009

YES : FRAGILE


Yes fait partie de ces quelques groupes qui on reussi, à la fin des années 60, à évoluer du statut d'organisme unicellulaire à celui de dinosaure de la musique, tout ça en passant par la case "poisson nageant dans la nasse progressive primitive." Cette même étendue d'eau obscure où la cruelle loi du plus fort a rapidement digêrer Mighty Baby, Seventh Dawn, et bien d'autre groupe psychéprogressivofolk dont personne n'entendra plus parler.

C'est clair : dites "rock progressif", et on vous citera probablement Yes dans les secondes qui suivent (Entre Pink Floyd, Soft Machine et ELP.) Mais si le groupe a encore le statut de colosse du prog, il faut bien admettre que la plupart de ces compositions ont plutôt mals vieillis...
Déjâ, il a fallu attendre 1971 avant que Jon Anderson et ses comparses acceptent de nous sortir un album de qualité (ce qui leur a laissé le temps de sortir deux galettes oscillant entre le folk insipides et le prog indigeste.) Mais si The Yes Album était bon en 1971, il a, aujourd'hui, perdu un peu de sa superbe. On prend encore du plaisir à écouter l'objet mais presque toujours en prenant soin de verifier que personne que l'on connais ne passe à côté et n'entende ces espèces de hippies qui font de la science-fiction alors qu'ils ne sont même pas sortis du moyen-age.
Et en 1972 on aura le droit à Close To The Edge : grosse envolée épique de trois "mouvements" qui passe curieusement bien malgré les apparences (mais rebute rapidement les non initiés...)
Et entre les deux ? Fragile...Le parfait point d'équilibre. Inutile de maintenir le suspens plus longtemps : Fragile est et restera touours (vu ce que le groupe nous fait aujourd'hui) le meilleur album de Yes, et ça de loin. On peut même aller plus loin que parler du meilleur album du groupe : Fragile est même un des meilleurs disques que le rock progressif ait jamais pondu.

Enfin un tel chef d'oeuvre ne se fait pas sans un minimum de nouveauté. Et des nouveautés on en compte deux majeurs. La première, qui ne concerne pas la musique en elle même, c'est la collaboration du groupe avec l'illustrateur anglais Roger Dean qui s'occupera dés lors de tout l'univers graphique du groupe jusqu'a leur debacle avec 90125 (ou "Owner Of A Lonely Heart" si vous preferez...) en 1983. Pour les sceptiques qui pensent qu'une pochette ne peut en aucun cas influencer les ventes d'un album, qu'ils aillent jeter un coup d'oeuil sur la breve histoire de Faust...

La deuxième nouveauté de l'album est l'apparition du clavier Rick Wakeman. Fin 69 un gamin jouait du flipper comme un dieu. Debut 70 un grand blond aux cheveux longs et lisses (chose rare à l'époque. La mode capillaire allait plutôt vers les boucles) joue d'à peu prés tout ce qui a des touches avec une aisance surnaturelle. Et pour s'en rendre compte il suffit d'écouter "Cans and Brahms" (la deuxième piste de l'album,) une demonstration de dexterité pure qui ferait fremir le meilleur des pianistes (le morceau est un extrait de la 4ème symphonie de Brahms).

Mais sauter la première piste c'est manquer le remarquable "roundabout" qui entame une envolée lyrique et laisse tout les autres morceaux de Yes loin derrière. On a ici, sans aucun doute possible, le meilleur morceau de Yes. Aprés une ouverture de cet envergure on a le droit à un album construit d'une manière atypique et extremmement bien pensé : quatre morceaux plus ou moins longs (de 3 : 30 à 11 : 27) servent de piliers à l'album ("Roundabout","South Side Of The Sky", "Long Distance Runaround" et "Heart Of Sunrise"), et sont coupés par des intermêdes bien pensés qui ne durent jamais plus qu'ils ne devraient (mention speciale à "We Have Heaven", "Five Per Cent For Nothing" et "Fish (Schindleria Praematurus)" qui n'est autre que le prolongement de "Long Distance Runaround").

Yes est toujours un groupe de hippies moyennageux qui joue des morceaux science-fictionnesques, mais cette fois la sauce prend pleinement. L'oeuvre est delicate, onirique, ne franchis aucune limite si ce n'est celle de la qualité.

Note : *****

Liste des morceaux:

1. Roundabout – 8:30
2. Cans and Brahms – 1:38
3. We Have Heaven – 1:40
4. South Side of the Sky – 8:02
5. Five Per Cent for Nothing – 0:35
6. Long Distance Runaround – 3:30
7. The Fish (Schindleria Praematurus) – 2:39
8. Mood for a Day – 3:00
9. Heart of the Sunrise – 11:27

Du même artiste :

Vous allez aimer :

- Close To The Edge
- The Yes Album

A éviter :

- 90125
- Union
- Drama
- Tales Of Topographic Oceans
A peu prés tout après Close To The Edge...Si ce n'est le recent double album live "Keys Of Ascencion" qui n'est pas non plus un modèle de qualité, sans être un veritable échec

6 commentaires:

  1. Une vraie perle ce "Fragile". Varié, équilibré, jamais redondant, jamais pesant, toujours surprenant.

    Je suis surpris de ne voir nulle-part mentionné le colosse "Relayer" qui marque à mon sens le sommet artistique du groupe. :)

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  2. Ah non, pour moi c'est clairement fragile qui a été leur meilleur, avec Close to the Age ! Relayer a un côté gros pâté synthétique, un gros condensé de tous les mauvais côtés du groupe. Enfin, il ne sera jamais pire que Union...

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  3. Le reste de légitimité qu'il me reste me pousse à défendre ma cause. C'est vrai que Yes frôle l'expérimental dans Relayer, ce qui lui donne ce goût amer et indigeste pour certains. Je ne vois pas tout à fait ce que tu entends par "mauvais côtés du groupe", mais dans cet album il pulvérise justement tout ce qu'on lui reprochait à l'époque à savoir beaucoup de longueurs dans leurs morceaux. Sincèrement, 20 minutes ne se sont jamais écoulées aussi vite qu’à l’écoute de "Gates Of Delirium" (je pourrais écrire un livre entier sur ce titre), et que dire sur les penchants jazz de "Sound Chaser" ainsi que l’équilibre qu’apporte-le plus calme "To Be Over"… J’ai beau me forcer à trouver quelque chose, pas de failles visibles de mon point de vue.

    Pour Union, nous nous rejoignons enfin. Niveau insipidité, Yes n’a pas fait mieux (peut-être leur dernier : "Fly From Here"?).

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  4. Ce n'est pourtant pas le côté expé qui me repousse dans Relayer, j'arrive à apprécier des trucs plus hard que ça.

    Non, c'est juste que quand j'écoute ça : http://www.youtube.com/watch?v=bokts36Snws&feature=related

    je me rend compte que yes n'est pas fait pour créer des titres éthérés. Une sorte de bouillie sonore dans le fond ponctuée d'un synthé années 80 piquant et d'une guitare suraigüe.

    En gros, j'adhère pas, mais pas du tout.

    Alors que là : http://www.youtube.com/watch?v=YPOTg-7pV64

    Tout est dosé à la perfection, et on n'obtient pas l'effet pâté d'éléphant jean Michel Jarre.

    Après, tous les mauvais côtés du groupes, pas vraiment, j'ai exagéré en disant ça. Mais il me laisse franchement dubitatif.

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  5. "Gates of Delirium" est tout sauf un titre "éthéré"! Sa composition est prodigieuse, mais sa grande complexité le rend difficile à suivre, je me suis perdu plus d'une fois dans cette "bouillie sonore". Quand au synthé (qui est TRES loin de dominer les autres instruments), je le trouve moins 'vintage' que sur "Roundabout", mais c'est une notion parfaitement subjective*. Enfin, c'est la variété et l'originalité qui prime (le passage de la steel guitar à 13:44 et la finale poignante, j'en passe et des meilleurs), bref, ce titre contient tout. Voilà, je n’irais pas plus loin dans ma plaidoirie, et j'ajoute que ce n'est absolument pas pour te convaincre d'aimer Relayer, mais pour rattraper tes propos peut-être un peu trop arbitraires. :)

    *Bon, ne perdons pas de vue que Yes, c'est tout un monde, ça sonne seventies, mais c'est ça qu'on aime.

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