dimanche 18 avril 2010

SOFT MACHINE : THIRD


Nul groupe n'est parvenu à mêler aussi bien Jazz, Blues et Rock Progressif que Soft Machine. Il faut aussi dire que les musiciens de ce groupe si spécial ont un niveau exceptionnel, et que l'époque y était particulièrement propice : 1970 a marqué le début des années de gloire du rock progressif, dont les participants désiraient s'émanciper des structures trop basiques du rock "classique". Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Soft Machine, eux, ont très bien compris ce principe de base et ont décider de renouer avec les racines du rock : le blues et le jazz. Ce qui tombe plutôt bien puisqu'ils disposent notamment d'un trombone et d'un saxophone, instruments clefs de ce type de musique, ainsi que d'un batteur hors normes et d'un claviériste pianiste et organiste, qui n'a pas pu s'empêcher de succomber aux joies du mini-moog, très en vogue à l'époque... Trois autres instruments créent une rupture avec ces styles musicaux : un violon et deux flûtes - dont une clarinette - qui permettront de construire un nouveau genre : Soft Machine.


Au commencement était le mini-moog. Des sons expérimentaux émergent des profondeurs infinies du silence, aiguisés par des fonds organiques - joués à l'orgue Hammond, attention, pas des bruit répugnants à la Mike Patton. C'est grinçant, désagréable, aigu, joué en boucle tremblotante... Soudain, le ton monte, environné de sons de violon absolument affreux, et les cuivres s'ajoutent, prennent de l'ampleur, avant de s'emparer littéralement du morceau avec les premiers coups de batterie. L'effet est saisissant, et on retombe dans des mélodies très années 30/50. En fait, pour faire simple, on pourrait dire qu'on passe de Tangerine Dream à Henri Mancinni. Les mélodies jouées par la basse et les cuivres font en effet très série télévisée américaine de ce temps là... Tout devient très écoutable, tout s'enchaîne facilement... Un vrai plaisir, qui va durer une dizaine de minutes... avant de devenir de l'industriel teinté de blues, puis un chant très Jetrho Tullien à la flûte. Cette variété non seulement dans les mélodies, mais dans les sons aussi rendent ce groupe, et cet album en particulier, aussi inlassablement agréable. Le premier morceau est en effet très représentatif de l'ensemble de l'oeuvre globale de Soft Machine, qui a réussi à fortement limiter les mauvaises - ou plutôt moins excellentes - productions.


Certains passages sont probablement composés d'improvisation, mais la parfaite coordination des musiciens qui jouent dans le même esprit musical ne rendent pas la chose gênante. Au contraire, le fait que ce soit réussi donne à l'album une originalité très appréciable. Nos petites oreilles ne sont pas écorchées, n'est-ce pas le principal ? Il faut aussi reconnaître que le groupe semble très détendu, fait perceptible musicalement mais aussi sur l'image que vous pourrez admirer si vous achetez le disque... Ils semblent être en pleine pause thé - ou pinard pour certains... - et sont affalés sur des matelas en délaissant leurs instruments. On remarquera que seul le claviériste se trouve devant son outil de travail - qui en fera saliver plus d'un -, c'est peut être la raison pour laquelle cette bande de joyeux hippies ont décidé de le couper sur la photographie... Un membre du groupe retiendra particulièrement notre attention : Robert Wyatt. Cet homme charmant est à la fois batteur et... chanteur. Vous y arrivez, vous, à chanter en tapant des rythmes ? Lui si. Sans compter que son talent en composition lui vaudra tous les honneurs dans sa carrière solo, qu'il continuera malgré un accident fortuit qui lui a privé de l'usage de ses deux jambes. Ce qui ne va pas lui empêcher de faire de la batterie ! Un battant, donc, qui apporte tout son soutient aux Soft Machine, dont l'année de gloire est 1970, date de la sortie de ce superbe disque. Le seul regret que l'on puisse avoir est qu'il ne contienne que quatre morceaux - de quinze minutes chacun, certes, mais quatre morceaux tout de même...


Le disque retient malgré tout une certaine simplicité, qui le rend si facile d'écoute. Si l'on excepte quelques rares passages expérimentaux, les mélodies sont agréables à entendre, parfois exceptionnelles - on retiendra en particulier le thème de Facelift au saxophone - et toujours bien construites. L'accompagnement est réalisé d'une main de maître, entre les claviers et la basse (électrique, cependant, car Soft Machine est composé d'une bande de traîtres qui ont renié les vertus incontestables des basses acoustiques très onéreuses mais plus complètes d'un point de vue sonore que leurs conjointes électriques), la batterie, dont nous avons déjà fait l'éloge du batteur, et enfin le chant de la voix douce et agréable de Robert Wyatt, qui fera pleurer les plus sensibles tout en nous rappelant au doux souvenir de Rock Bottom... Une perle rare, donc, une merveille qui mérite tous les éloges.


Note : *****


Liste des morceaux :


1. Facelift

2. Slightly All The Time

3. Moon In June

4. Out-Bloody-Rageous


2 commentaires:

  1. Un monument ce THIRD, assurément!! "Out Bloddy Rageous" avec son intro et ses enchaînements me fait littéralement planer... Une merveille.

    (Au fait... Rock Bottom? dixit le mec super lourd) ^^

    Continuez ainsi, je vous suis!

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  2. Merci :)

    (Rock Bottom est un disque particulièrement délicat à critiquer, de par le fait qu'il suit l'accident de Wyatt... Personnellement je ne me le sens pas encore de le faire, peut-être que Echoes s'y mettra un jour...)

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